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mercredi, 11 janvier 2023

John Charmley et l’effarant bilan de Winston Churchill

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John Charmley et l’effarant bilan de Winston Churchill

Nicolas Bonnal

Brute impériale, raciste humaniste, boutefeu impertinent, affameur et bombardier de civils, phraseur creux et politicien incapable en temps de paix, américanophile pathétique, Winston Churchill est naturellement le modèle de cette époque eschatologique et de ses néocons russophobes (Churchill recommanda l’usage de la bombe atomique contre les Russes à Truman). On laisse de côté cette fois Ralph Raico et on évoque cette fois le brillant historien John Charmley qui l’analysa d’un point de vue British traditionnel: Churchill anéantit l’empire, choisit le pire et la guerre, varia d’Hitler (le moustachu puis Staline) et humilia l’Angleterre transformée en brillant troisième des USA. Autant dire que Charmley n’est pas bien vu en bas lieu. Il écrit en effet que l’Angleterre ruina deux fois l’Europe pour abattre une Allemagne qui finit par la dominer économiquement ! Niall Ferguson a reconnu aussi les responsabilités britanniques dans la Première Guerre mondiale.

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Coup de chance pour nous, un autre livre de Charmley a été traduit par Philippe Grasset pour les éditions Mols il y a quelques années. Dans Grande alliance, Charmley notre historien montre le progressif abaissement matériel et moral de l’Angleterre – menée au suicide de civilisation par le boutefeu préféré de notre presse au rabais. Et cela donne:

« Les Britanniques voulaient-ils un geste montrant qu’on se préoccupait d’eux? Roosevelt leur livrait cinquante vieux destroyers, pour lesquels les Britanniques payeraient avec la cession de leurs bases des Caraïbes. Churchill pouvait voir ce qui lui plaisait dans ce geste mais l’échange fut décrit de façon plus précise par le secrétaire au Foreign Office, Anthony Eden, comme « un sérieux coup porté à notre autorité et, finalement... à notre souveraineté ». Le fait qu’en janvier 1941, l’Angleterre n’avait reçu que deux des fameux cinquante destroyers faisait, pensait-il, qu’« on pouvait raisonnablement regarder ce marché comme un marché de dupes ».

Très vite, pendant la Guerre, on sent que l’empire britannique va, grâce à Churchill, changer de mains :

« Un commentateur dit justement qu’ « aucun officiel américain n’aurait jamais proclamé grossièrement que l’un des buts essentiels de notre politique extérieure serait l’acquisition de l’empire britannique »; mais Cordell Hull déclara tout de même qu’il utiliserait « l’aide américaine comme un canif pour ouvrir cette huître obstinément fermé, l’Empire ». 

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Parfois le gros homme devenait lucide :

« La version finale de la requête britannique, transmise le 7 décembre 1940, mettait en évidence le sérieux de la situation économique du pays. Le ton de la lettre de Churchill était grave et d’une prescience inattendue. Il dit à Roosevelt qu’il croyait que son interlocuteur « accepterait l’idée qu’il serait faux dans les principes et mutuellement désavantageux dans les effets si, au plus haut de cette bataille, la Grande Bretagne devait être privée de toutes ses possessions dans une mesure où, après avoir vaincu grâce à notre sang... nous nous retrouverions dépouillés jusqu’aux os ». C’était une affirmation superbe et émouvante mais elle ne détourna en rien les Américains dans leur détermination d’utiliser la situation dramatique de l’Angleterre pour obtenir des concessions qui garantiraient qu’elle ne se trouverait pas sur la voie de la paix qu’ils voulaient. »

Les Britanniques devaient livrer leur or eux-mêmes :

« Le 23 décembre, FDR dit à l’amiral Stark, le chef de la Navy, qu’il voulait un navire de guerre « pour récupérer les [réserves] d’or [britanniques] en Afrique »; non seulement Roosevelt entendait se payer sur les vastes avoirs britanniques d’outre-mer mais il entendait également que les Britanniques assurent le paiement du transport… La première réaction de Churchill fut de dire à FDR que ce marché lui rappelait « un sheriff qui saisit les derniers biens du débiteur sans protection »

En vain Lord Beaverbrook se réveille et houspille :

« Dans une lettre furieuse à Churchill, à la fin décembre, il accusa les Américains de « n’avoir rien concédé » et d’avoir « obtenu un gain maximum de tout ce qu’ils ont fait pour nous. Ils ont pris nos bases sans autres considérations. Ils prennent notre or ». Les livraisons américaines étaient rares, contrairement aux promesses faites.

Charmley en conclut logiquement une chose :

« Rien ne dit que FDR ait jamais considéré l’Angleterre comme son principal allié…façon dont Churchill traça le portrait de FDR : si la réalité de l’accord sur les destroyers et sur le lend-lease avait été révélée et la réalité des ambitions de FDR pour l’Amérique mise en lumière, Churchill aurait passé pour une dupe de plus du Président. »

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Pour une fois Lord Cherwell (photo), réfugié juif allemand (Lindemann) chargé des bombardements de la population civile allemande (un million de morts sous les bombes contre 17.000 à l’Angleterre), a raison :

« Comme son conseiller scientifique nouvellement ennobli Lord Cherwell le dit à Churchill, « les fruits de la victoire que Roosevelt nous prépare semble se résumer à la sauvegarde de l’Amérique et la famine virtuelle pour nous ». Ce n’était pas « une nouvelle très enthousiasmante à annoncer au peuple anglais ». Bien que le Chancelier jugeât les prévisions de Cherwell pessimistes, le fait est que, dans l’après-guerre, l’Angleterre allait être confrontée à un choix que ses hommes politiques jugeraient insupportable. »

On fait le maigre bilan de cette guerre que ne voulait pas Hitler (lisez Liddell Hart ou Preparata pour savoir pourquoi) :

« Alors, qu’avait donc obtenu l’Angleterre ? Elle avait acquis l’admiration de larges tranches du public américain et avait gagné leur respect. Elle s’était battue pour son indépendance mais elle avait été capable de le faire seulement avec l’aide américaine et, en fait, comme un satellite de l’Amérique. Son avenir était endetté, son économie pressée jusqu’à un point de rupture, ses villes bombardées et sa population soumise à un rationnement radical. Ce superbe et héroïque effort ne fut nullement récompensé pendant dix-huit mois. »

Le bellicisme churchillien s’accompagne d’une grosse paresse des soldats (lisez mon maître Masson, qui en parlait très bien) :

« Le féroce assaut japonais et la résistance indolente des Britanniques à Singapour montrèrent que la puissance impériale était au-delà de ses capacités ; le spectacle des 100.000 soldats se rendant à une puissance asiatique à la chute de Singapour était une de ces images à laquelle le prestige impérial ne pourrait pas survivre. »

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Churchill a multiplié les mauvais conseils et les mauvaises décisions, rappelle Charmley :

« C’est Churchill qui mit son veto à l’idée de garantir à Staline ses frontières de 1941; c’est Churchill qui refusa de reconnaître l’organisation gaulliste comme gouvernement provisoire de la France; c’est Churchill qui, par-dessus tout, montra un jugement si mauvais qu’il rejeta à la fin de 1944 l’idée d’une alliance européenne occidentale avec le commentaire méprisant qu’on n’y trouverait rien « sinon de la faiblesse ». Dans l’attitude de Churchill, on trouve le thème obsédant de l’Amérique. »

Nous évoquions Preparata qui s’inspira pour sa vision de Veblen. Litvinov (découvrez aussi Nicolas Starikov) confirme alors que le but de guerre était d’abord la destruction mutuelle de l’Allemagne et de la Russie :

« Maxim Litvinov, qui était marié à une Britannique et qui n’était en aucune façon anglophobe, avait dit à Davies que les Britanniques « repoussaient l’idée d’un second front de façon à ce que la Russie “soit vidée de son sang en affrontant seule les Allemands”. Après la guerre, le Royaume-Uni pourrait ainsi “contrôler et dominer l’Europe” ».

On y arriva mais bien après, avec les Américains…la destruction de l’Europe est encore au programme sous domination anglo-saxonne (on ignorera la France renégate).

A l’époque, rappelle Charmley, l’opinion publique n’est pas trop hostile à l’U.R.S.S. Elle voit d’un mauvais œil le maintien des empires coloniaux (nous aussi, il fallait les liquider en 45):

« L’opinion publique américaine n’était pas prête à lier son avenir à une alliance exclusivement anglo-américaine. Elle tendait plutôt à partager l’opinion de Josephus Daniels, du Raleigh News & Observer, selon lequel il importait d’inclure dans l’alliance générale « la Russie et la Chine » parce que « les espoirs d’une paix permanente basés sur une alliances serrée entre grandes puissances suscite la frustration en inspirant la peur et la jalousie dans les zones hors de celle que couvre l’alliance » ; la sécurité doit être « collective » pour être effective. »

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Après, cerise sur le bonbon. John Charmley se défoule :

« Derrière la politique américaine de Churchill, on trouve la proposition que le crédit moral de l’action du Royaume-Uni en 1940-41 pouvait être converti en influence sur la politique américaine. Comme nombre d’américanophiles, Churchill imaginait que l’Amérique survenant sur la scène mondiale aurait besoin d’un guide sage et avisé, et il se voyait fort bien lui-même, avec le Royaume-Uni, dans ce rôle. Cela paraît aujourd’hui une curieuse fantaisie mais c’est bien le principe qui guida la diplomatie britannique à l’égard de l’Amérique pendant la période que nous étudions dans ces pages. »

La naïveté britannique a une pointe d’arrogance :

« En tentant d’exposer « l’essence d’une politique américaine » en 1944, un diplomate définit parfaitement cette attitude. La politique traditionnelle du Royaume-Uni de chercher à empêcher qu’une puissance exerça une position dominante était écartée : « Notre but ne doit pas être de chercher à équilibrer notre puissance contre celle des États- Unis, mais d’utiliser la puissance américaine pour des objectifs que nous considérons comme bénéfiques ». La politique britannique devrait être désormais considérée comme un moyen d’ « orienter cette énorme péniche maladroite [les USA] vers le port qui convient ». 

Charmley ironise alors (que peut-on faire d’autre ?) :

« L’idée d’utiliser « la puissance américaine pour protéger le Commonwealth et l’Empire » avait beaucoup de charme en soi, en fonction de ce que l’on sait des attitudes de Roosevelt concernant l’Europe. Elle était également un parfait exemple de la façon dont les Britanniques parvenaient à se tromper eux-mêmes à propos de l’Amérique. On la retrouve avec la fameuse remarque de MacMillan, en 1943, selon laquelle les Britanniques devraient se considérer eux-mêmes comme « les Grecs de ce nouvel Empire romain ». »

Un peu d’antiquité alors ? Charmley :

« L’image de la subtile intelligence des Britanniques guidant l’Amérique avec sa formidable musculature et son cerveau de gringalet était flatteuse pour l’élite dirigeante britannique ; après l’horrible gâchis qu’elle avait réalisé à tenter de préserver son propre imperium, elle avait l’arrogance de croire qu’elle pourrait s’occuper de celui de l’Amérique. Même un Béotien aurait pu se rappeler que, dans l’empire romain, les Grecs étaient des esclaves. »

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La banqueroute britannique se rapproche (l’Angleterre est broke) :

« Les besoins britanniques pour l’après-guerre étaient aussi simples à définir qu’ils étaient difficiles à obtenir: une balance commerciale favorable et une balance des paiements excédentaire.

L’absence de ces deux facteurs signifiait la banqueroute et la fin du Royaume-Uni comme grande puissance.

Keynes en est conscient :

« Comme observait Keynes dans une lettre à Stettinius en 1944, ce dernier « avait non seulement omis de noter que l’administration US prenait toutes les mesures pour que le Royaume-Uni soit le plus près possible de la banqueroute avant qu’une aide lui soit apportée »…

C’était le prix de l’alliance américaine… »

J.J. Annaud me disait un jour que même affaiblie la critique de cinéma gardait son pouvoir de nuisance. De même pour l’Angleterre, qui toute à son obsession de diriger le monde avec son compère américain casse l’union sacrée antifasciste de l’après-guerre. On va citer le vice-président Wallace, humaniste progressiste et homme éminent, cité du reste par Bernanos dans sa France contre les robots :

« Pour autant, on ne dira pas que les Américains « tombaient » d’une certaine façon dans ce que Wallace dénonçait comme « les intrigues » britanniques ; ce serait plutôt à ce point que la nature pyrrhique des relations spéciales anglo-américaines deviendrait évidente. Pragmatique jusqu’au tréfonds de l’âme, la diplomatie britannique avait comme objectif de convaincre les Américains que ses batailles dans la Méditerranée orientale et la zone autour des Détroits s’appuyait sur la cause de la démocratie. »

Puis l’Amérique prend la rage antirusse (lisez Raico pour comprendre comment il fallut se faire réélire !) :

« En cherchant à susciter le soutien américain, les Britanniques fabriquaient leur propre Frankenstein. Une fois que les Américains furent convaincus que les Soviétiques ne coopéreraient pas dans leur proposition de nouvel ordre mondial, la voie était ouverte pour un conflit idéologique qui écarterait les objectifs des Britanniques et les enchaînerait dans un conflit manichéen… »

Chose intéressante, Charmley confirme que l’UE est une création 100% américaine destinée à servir les intérêts de l’amère patrie !

« L’aide américaine avait été sollicitée pour préserver la place du Royaume-Uni parmi les grandes puissances mais elle ne fit rien pour préserver l’Empire et, rapidement, les Américains exigèrent impatiemment que les Britanniques prennent la tête d’une fédération européenne. »

Pré carré américain, l’Europe devait être colonisée froidement (il était recommandé au soldat de ne pas sympathiser avec la population – cela n’excluait pas les viols qui inspirèrent le classique Orange mécanique). D’ailleurs la France :

« Les ministres n’étaient guère séduits par les conceptions de FDR selon lesquelles la France devrait être dirigée pendant un an après sa libération par un général allié. »

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Le Plan Marshall ? Parlons du plan Marshall :

« Le Plan Marshall allait se révéler également un puissant instrument pour ce dessein. George Kennan écrit dans ses mémoires : « Nous espérions forcer les Européens à penser en Européens et non en nationalistes » ; évidemment, le « nationalisme » n’était acceptable que lorsqu’il était américain. Le Plan Marshall projeta le système d’organisation industrielle et fédéraliste américain en Europe, son objectif ultime était de créer une Europe convenant aux Américains. »

Un crochet par Eisenhower, personnage plus falot que prévu ici, mais qui va dénoncer comme on sait le lobby militaro-industriel :

« Malgré son engagement dans l’Alliance atlantique, Eisenhower ne pouvait pas ne pas s’inquiéter de l’augmentation des dépenses de défense, de leur poids sur l’économie et sur l’American way of life en cas d’aggravation de la Guerre froide. Comme il le dit en mars 1953 à un vieil ami de Churchill, Bernie Baruch, « accoutumer notre population à vivre indéfiniment sous un tel contrôle [gouvernemental] conduira graduellement à de nouvelles relations entre l’individu et l’Etat – une conception qui changerait d’une façon révolutionnaire le type de gouvernement sous lequel nous vivons ». Le Président était un vrai républicain dans le sens où il pensait que, « en permettant la croissance incontrôlée du gouvernement fédéral, nous nous sommes d’ores et déjà largement éloigné de la philosophie de Jefferson… »

Encore un clou à enfoncer pour la construction européenne :

« Dulles voulait cet élément  supranational qui aurait donné un nouvel élan à l’union européenne, dont les Américains trouvaient les progrès désespérément lents. »

On en restera là. Vous pouvez lire la suite ailleurs… On aura appris grâce à John Charmley que l’histoire moderne en Occident, si elle pleine de bruit et de fureur, est racontée non par un, mais beaucoup d’idiots dont le Nobel modèle reste Churchill. Car les idiots sont aussi dans le public.

Source:

Churchill’s Grand Alliance ou La Passion de Churchill, troisième volet d’une trilogie de l’historien britannique John Charmley, publié en 1995, décrit la fondation (1941) des “relations spéciales” (special relationships) entre les USA et le Royaume-Uni et leur développement jusqu’au tournant décisif de 1956 (crise de Suez).

http://www.editions-mols.eu/publication.php?id_pub=41

Auteur: John Charmley

Format: 155 x 230, 522 pages, ISBN: 2-87402-071-0

Prix: 15 Euros

 

lundi, 09 janvier 2023

Humusation et compost humain: vers Soleil vert en grandeur nature

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Humusation et compost humain: vers Soleil vert en grandeur nature

Nicolas Bonnal

On va bien s’humuser. Le film Soleil vert nous promettait le cannibalisme comme futur. En France c’est le Modem (parti prétendu catho tout de même) qui pousse au crime via une députée; et BFM euphorique nous apprend que l’Etat de New York autorise le compost humain. On va donc manger et se chauffer (entre autres) avec de l’humain. Un vieil ami responsable de l’écologie à Avignon un temps me disait que l’on veut dans les hautes sphères malthusiennes et mondialistes remplacer les nitrates comme engrais par l’urine. On pissera donc à certaines heures et on stockera ; tout cela sera nûment contrôlé. Tout le monde sera content, ayant le nez ailleurs, dans le foot par exemple.

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Cela me rappelle qu’avec le Soleil vert du maître Fleischer (on y mange du soylent fait avec de l’humain) le grand film de ma jeunesse était Roller ball avec James Caan mort cette année comme une centaine de grands acteurs (du vaccin?): ce film montrait l’addiction affolante pour le sport à la télé. Pour nous qui sortons du mondial de foot…Oui, je sais, le pain et les jeux...

Mais bon, avec une opinion publique nécrosée, il ne sert à rien de dramatiser, pas vrai ? On en est au point où on (Davos, Wall Street, Bruxelles) demande au troufion de sauter dans le vide, alors pourquoi ne le ferait-il pas ?

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Rappel de Wikipédia sur l’humusation :

« L’humusation est un néologisme créé en 2014 par ses adeptes de l'époque, principalement belges et français, dont Francis Busigny à l'origine du concept, désignant un processus naturel de transformation du corps des défunts en humus. Ce processus naturel, établi sur le modèle de la vie de la forêt, se déroule sur 12 mois. Il permet de réintégrer le corps humain dans le cycle du vivant et qu'il perpétue la vie, plutôt qu'il soit source de pollution. L'humusation est une alternative écologique aux deux modalités funéraires principales que sont l'inhumation et la crémation.

Mais à ce jour, elle n'est pas encore autorisée, ni en France, ni en Europe (1).

Le processus recherche d'une part, à procurer un traitement du corps des défunts, une après-mort du berceau au berceau, 100 % soutenable pour l'avenir de l'humanité et la continuité de la vie sur terre, en garantissant la régénération de l'humus dans le respect des défunts et des familles, et d'autre part, à permettre une fixation de CO², grâce à la plantation d'arbres rendue possible par l'utilisation de l'humus créé. »

On poursuit gentiment :

« Cette bio-décomposition des dépouilles humaines est faite uniquement sous le contrôle d’humusateurs agréés, dans un lieu clôturé et sécurisé nommé "Humusarium" (centre de mise en humusation).

Pour une humusation réussie, il faut notamment: une butte érigée sur un sol vivant; un broyat fin gorgé d’eau, avec un bon rapport carbone/azote (du brun et du vert); un taux d’humidité suffisant à tout moment; une bonne aération; un cycle de douze mois; du personnel dûment formé pour mettre en œuvre les bonnes pratiques du processus.

L’humusation d’un corps humain produit environ 1,5 m³ d'humus. »

Après, pour qu’on n’ait peur de rien :

« La quatrième étape est appelée le “cadeau” à la Terre. Douze mois après la mise en humusation, une partie de l'humus obtenu (+/- 1 % = +/- 15 litres) est réinsérée par les humusateurs, selon les techniques agréées, dans de l'humus originel, au sein d'un espace distinct dédié au souvenir et recueillement des proches nommé "Bois du souvenir" pour y faire pousser un arbre en mémoire du défunt. »

Mélange donc de religion et de petites économies entre amis (pour reprendre un film sympa). Nous somme dirigés par des docteurs en magie noire et de simples toqués ; mais comme nous sommes entourés d’imbéciles… Greta a fait du bon travail pour acclimater tout le monde à la monstruosité de la religion écologique et à sa terre-mère.

Venons-en à BFM, toujours aussi enjouée malgré les milliards que Drahi doit au fisc suisse :

« New York devient le sixième État à légaliser le compost humain depuis 2019, alternative écologique permettant de recycler son propre corps en compost et de réduire son empreinte carbone.

Transformer son corps en humus pour le bien de la planète. Aux États-Unis, New York devient le sixième État à autoriser le compost humain après la mort, après son autorisation par la gouverneure de l'État Kathy Hochul ce dimanche 1er janvier.

Cette méthode d'enterrement, alternative à la crémation et à l'inhumation, est jugée bien plus respectueuse de l'environnement. Pour se faire, les restes doivent être livrés à une société de cimetière spécialisée dans la réduction organique. Ils ne doivent contenir ni batterie, pile électrique ou implant radioactif.

Le défunt est ensuite placé dans un conteneur réutilisable et semi-ouvert contenant une litière adaptée - copeaux de bois, luzerne ou paille - idéale pour que les microbes puissent vaquer à leurs occupations. »

Les cercueils seront interdits, jugés trop polluants. Le reste de cette ordurerie est sur le site de la chaîne préféré des froncés.

Un dernier mot tout de même : dans Soleil vert il y avait complot et on cachait aux gens qu’ils mangeaient de l’humain. Là, mais pas du tout, pourquoi faire ? Relire la documentation sur la fenêtre d’Overton. Tout passe comme à la parade avec une opinion bien préparée.

Sources (terme impur) :

États-Unis: le compost humain après la mort est désormais autorisé dans l'État de New York (bfmtv.com)

Fenêtre d'Overton — Wikipédia (wikipedia.org)

États-Unis: le compost humain après la mort est désormais autorisé dans l'État de New York (bfmtv.com)

 

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lundi, 02 janvier 2023

Gustave Le Bon et la fabrique sociologique du gauchiste culturel

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Gustave Le Bon et la fabrique sociologique du gauchiste culturel

Nicolas Bonnal

Brandon Smith a récemment rappelé que le gauchiste woke made in USA est un incapable et qu’il sera incapable de survivre à un grand effondrement (celui qu’on attend hélas depuis si longtemps…) ; il se voit régner pur dans le management. Brandon rappelle que la société US fabrique des nuls qui sont refusés à l’armée à hauteur de 70%. Elle n’est capable que de produire des managers qui détruisent un peu plus (notamment les féministes postmodernes) les pays dont ils ont la charge. Mais ce n’est pas fini : la propagande enragée produit aussi un intolérant et un autoritaire avide de lois et de lynchages : voir ce qui se passe partout en ce moment. Un café a été mis à sac à Bruxelles pour Trans phobie. En Catalogne une amende de 7500 euros a été infligée à un pâtissier primé  et réputé pour non-usage de l’écriture inclusive. Problème : serons-nous sauvés par le gong de ces millions de Pol Pot ?

Comme toujours dans notre pauvre mais invincible et indépassable occident, la cause est ancienne. On pourrait citer Aristophane sans rire et c’est ce que fait Cochin pour expliquer la France philosophe de la Révolution et de la Terreur (voyez mes textes).

Venons-en à l’indispensable Gustave Le Bon qui explique très bien, vers 1890, la fabrication moderne du mécontentement industriel, que l’on retrouve à l’œuvre avec les antisystèmes non pas de pacotille mais de cyber-cafés.

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La foule se moque du message. Une idée simple et seule la guide selon Le Bon : la conspiration patronale. La solution est toujours miraculeuse :

« C'est ainsi par exemple que la théorie essentielle du socialisme d'il y a quarante ans, d'après laquelle les capitaux et les terres devaient se concentrer dans un nombre de mains toujours plus restreint, a été absolument démentie par les statistiques de divers pays. Au point de vue de l'extension du socialisme, ces discussions de théoriciens sont d'ailleurs sans aucune importance. Les foules ne les entendent pas. Ce qu'elles retiennent du socialisme, c'est uniquement cette idée fondamentale que l'ouvrier est la victime de quelques exploiteurs, par suite d'une mauvaise organisation sociale et qu'il suffirait de quelques bons décrets, imposés révolutionnairement, pour changer cette organisation. »

Le Bon se rend célèbre alors en dénonçant non pas les mécontents, les antisystèmes ou les indignés, mais les inadaptés. Fruit du progrès et de l’instruction, du mécanisme et du farniente moderne, ils sont légion, comme dit l’Evangile :

« Les inadaptés : leur nombre immense, leur présence dans toutes les couches de nos sociétés, les rendent plus dangereux pour elles que ne furent les Barbares pour l'Empire Romain.

Rome sut se défendre pendant longtemps contre les envahisseurs du dehors. Les Barbares modernes sont dans nos murs, indigènes ou immigrés. S'ils n'ont pas incendié Paris complètement à l'époque de la Commune, c'est Uniquement parce que les moyens d'exécution leur firent défaut. »

Les plus dangereux des mécontents sont ceux que Le Bon nomme les dégénérés fabriqués par le système. Cela se rapproche de notre époque :

 « A la foule des inadaptés créés par la concurrence et par la dégénérescence, s'ajoutent chez les peuples latins les dégénérés produits par incapacité artificielle. Ces inadaptés sont fabriqués à grands frais par nos collèges et nos universités. La légion des bacheliers, licenciés, instituteurs et professeurs sans emploi constituera peut-être un jour un des plus sérieux dangers contre lesquels les sociétés auront à se défendre. La formation de cette classe d'inadaptés est toute moderne. Son origine est psychologique. Elle est la conséquence des idées actuelles. »

Oui, mais n’oublions pas le principal : l’idéologie n’est que la regrettable conséquence d’une sociologie folle productrice d’inadaptés. 

Gustave Le Bon encore :

« Notre éducation théorique à coups de manuels, ne préparant absolument à rien qu'aux fonctions publiques, et rendant les jeunes gens totalement inaptes à toute autre carrière, ils sont bien obligés, pour vivre, de se ruer furieusement vers les emplois salariés par l'Etat. Mais comme le nombre des candidats est immense et le nombre des places minime, la très grande majorité est éliminée et se trouve sans aucun moyen d'existence, par conséquent déclassée et naturellement révoltée. »

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Le Bon évoque le préjugé anti-manuel des peuples latins, passés directement du féodalisme au socialisme :

« Ils ne le font pas (et ceci est la seconde raison), à cause du préjugé indéracinable contre le travail manuel, l'industrie et l'agriculture, qui existe chez les peuples latins, et n'existe d'ailleurs que chez eux ».

Sur le préjugé féodal et anti-artisanal :

« Les peuples latins possèdent en effet, malgré de trompeuses apparences, un tempérament si peu démocratique que le travail manuel, fort estimé dans l'aristocratique Angleterre, est jugé par eux comme humiliant ou même déshonorant… »

Toutes ces bonnes études ne servent évidemment à rien, sinon à se révolter :

« Après de longues et· coûteuses études, les diplômés sont bien obligés de reconnaître qu'ils n'ont acquis aucune élévation de l'intelligence, ne 'sont guère sortis de leur caste, et que leur existence est à recommencer.

Devant le temps perdu, devant leurs facultés émoussées pour tout travail utile, devant la perspective de l'humiliante pauvreté qui les attend, comment ne deviendront-ils pas des révoltés ? »

Après Le Bon prépare l’antienne de nos amis libertariens, déjà pronostiquée par Lao Tse il y a vingt-cinq siècles : l’assistance produit la dépendance.

« Jusqu'ici la charité publique ou privée n'ont fait qu'accroître considérablement la foule des inadaptés. Dès qu'un bureau d'Assistance Publique fonctionne quelque part, le nombre· des pauvres s'accroît dans d'immenses proportions. Je connais un petit village aux portes de Paris ou près de la moitié de la population est inscrite au bureau de bienfaisance.

Les recherches faites sur ce sujet ont prouvé que 95% des pauvres secourus en France sont des individus qui refusent toute espèce de travail. »

Et de nouveau philosophe, Le Bon achève (penser à notre texte sur Maupassant et les extrémistes politique de son temps):

« De nouveau désabusé, l'homme reprendra une fois encore l'éternel labeur de se créer des chimères capables de charmer son âme pendant quelque temps. »

Je rappelle que chez les termites une bonne partie de ces insectes sont incapables de se nourrir eux-mêmes ; et que lorsqu’on veut s’en débarrasser, on cesse de les nourrir. 

Question subsidiaire : est-ce qu’un homme de Davos est capable de se nourrir lui-même ?

Sources :

Gustave Le Bon – Psychologie du socialisme (archive.org)

Nicolas Bonnal –  La culture comme arme de destruction massive ; le choc Macron (Amazon.com)

Leftists Aren't Capable Of Surviving Economic Collapse – Here's Why | ZeroHedge

 

14:56 Publié dans Sociologie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : gustave le bon, sociologie, nicolas bonnal | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

lundi, 26 décembre 2022

Quand Hollywood dit la vérité

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Quand Hollywood dit la vérité

On n’a pas besoin de bander les yeux à des aveugles. 

Hollywood dit de temps en temps la vérité donc (cf. mon texte sur Hollywood et la théorie de la conspiration): le système n’a aucun intérêt à se cacher d’autant qu’il y a comme disait Debord un « marché de l’insatisfaction ». Debord écrit dans la Société du Spectacle (§59) :

« À l’acceptation béate de ce qui existe peut aussi se joindre comme une même chose la révolte purement spectaculaire : ceci traduit ce simple fait que l’insatisfaction elle-même est devenue une marchandise dès que l’abondance économique s’est trouvée capable d’étendre sa production jusqu’au traitement d’une telle matière première. »

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A la même époque que notre situationniste, Richard Hofstadter parlait de la paranoïa de vie politique américaine, paranoïa antisystème qui a la vie dure puisqu’elle a fait élire Trump en 2016 (avec les résultats que l’on sait: le système n’est pas si fou; j’y reviens) et s’est étendue via internet à la culture de la planète entière. La production cinématographique trouve donc une niche qui va des X-Files aux profanateurs de sépultures du vénéré Don Siegel. Pour Siegel les gens devenaient des légumes – sous l’effet conjoint de la bagnole, de la télé et des supermarchés. Restons-en à la télé.

Le fameux et regretté Michael Crichton (climato-sceptique en sus) fait dire donc à James Coburn dans Looker (un film brouillon et complexe sur l’hypnose marchande, le CGI et la chirurgie méta-esthétique) en 1981 :

« La télévision... est le support de vente le plus puissant de l'histoire de l'humanité. La télévision peut contrôler l'opinion publique plus efficacement que les armées de la police secrète, car la télévision est entièrement volontaire. »

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Crichton insiste sur l’essentiel ; à savoir que l’imbécile vacciné ou autre se croit libre devant sa télé :

 « Le gouvernement américain oblige nos enfants à aller à l'école. Mais personne ne les oblige à regarder la télévision. Les Américains de tous âges se soumettent à la télévision. La télévision est l'idéal américain. Persuasion sans coercition. Personne ne nous oblige à regarder. Qui aurait pu prédire qu'un peuple libre passerait volontairement un cinquième de sa vie assis devant une boîte avec des images ? »

La télévision peut donc créer la prison sans barreaux dont rêvait (dont rêvait ou que dénonçait ?) Aldous Huxley :

« Quinze ans en prison, c'est une punition. Mais quinze ans assis devant une télévision c'est du divertissement. Et l'Américain moyen passe désormais plus d'un an et demi de sa vie à regarder des publicités télévisées. Cinquante minutes chaque jour de sa vie à regarder des publicités. Maintenant, c'est le pouvoir. »

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Je prends une autre citation d’un film dont je parle souvent, Network. Network évoque la révolte spectaculaire : on crée une émission autour d’un présentateur un peu toqué, qui se voit entouré de Black Panthers, de néo-cocos, de voyantes New Age, etc. On est loin de Lénine mais on fait un bon indice d’écoute. Or le patron de la chaîne s’énerve et veut répandre un autre message suite à une polémique anti-saoudienne qui a fait capoter un deal (pensez au Qatar ces jours-ci…). On l’écoute :

Jensen : Vous vous êtes mêlé des forces primitives de la nature, M. Beale, et je ne le veux pas !! Est-ce clair?! Vous pensez que vous avez simplement arrêté un accord commercial. Ce n'est pas le cas. Les Arabes ont retiré des milliards de dollars de ce pays, et maintenant ils doivent les remettre ! C'est le flux et le reflux, la gravité des marées ! C'est l'équilibre écologique ! »

Il faut alors comprendre dans quel monde global on se trouve :

« Vous êtes un vieil homme qui pense en termes de nations et de peuples. Il n'y a pas de nations. Il n'y a pas de peuples. Il n'y a pas de Russes. Il n'y a pas d'Arabes. Il n'y a pas de tiers-monde. Il n'y a pas d'Occident. Il n'y a qu'un seul système holistique de systèmes, une domination de dollars vaste et immanente, entrelacée, interagissant, multivariée et multinationale. Pétrodollars, électro dollars, multi dollars, reichsmarks, rins, roubles, livres et shekels. »

Le monde, c’est les marchés. On l’avait compris. Et l’argent c’est la vie ; on le comprend mieux alors qu’ils nous liquident en gardant les marchés au sommet – les chiffres n’ont plus besoin de consommateurs donc ces consommateurs peuvent et surtout doivent crever – dixit Harari.

La suite prend un ton comique et presque rabelaisien :

« C'est le système monétaire international qui détermine la totalité de la vie sur cette planète. C'est l'ordre naturel des choses aujourd'hui. C'est la structure atomique, subatomique et galactique des choses aujourd'hui ! Et VOUS vous êtes mêlé des forces primaires de la nature, et VOUS EXPIERIEZ ! »

Après l’extraordinaire Paddy Chayefsky (trois oscars, voyez l’excellente américanisation d’Emily) ose écrire – et faire dire :

« Vous vous levez sur votre petit écran de vingt et un pouces et hurlez sur l'Amérique et la démocratie. Il n'y a pas d'Amérique. Il n'y a pas de démocratie. Il n'y a qu'IBM et ITT et AT&T et DuPont, Dow, Union Carbide et Exxon. Ce sont les nations du monde d'aujourd'hui. »

Dans le même esprit les Français avaient fait à la même époque Mille milliards de dollars et l’Imprécateur. L’insatisfaction était tendance ; aujourd’hui, ce qui est tendance, c’est la déification des riches et des célèbres, la sacralisation de Bill Gates, de Davos et de notre génocide. On a les élans que l’on peut : la télé programme.

Comme Guy Debord (Société, § 111), le Pdt Jensen ne croit pas à l’opposition russe, chinoise ou autre :

« De quoi pensez-vous que les Russes parlent dans leurs conseils d'État - de Karl Marx ? Ils sortent leurs tableaux de programmation linéaire, leurs théories de décision statistique, leurs solutions minimax et calculent les probabilités prix-coût de leurs transactions et investissements, tout comme nous le faisons. »

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Et à propos des corporations :

« Nous ne vivons plus dans un monde de nations et d'idéologies, monsieur Beale. Le monde est un collège d'entreprises, inexorablement déterminé par les statuts immuables des affaires. Le monde est une entreprise, M. Beale. C'est depuis que l'homme a rampé hors de la boue. »

Et le tout se termine sur un ton très Tocqueville :

« Et nos enfants vivront, M. Beale, pour voir ce monde parfait dans lequel il n'y a ni guerre ni famine, ni oppression ni brutalité - une vaste et œcuménique holding, pour laquelle tous les hommes travailleront pour servir un profit commun, dans lequel tous les hommes détiendront une part du capital, toutes les nécessités seront pourvues, toutes les inquiétudes seront apaisées, tout l'ennui sera amusé. »

Sauf que le système s’est lassé de nous et qu’il veut s’en débarrasser.

Jensen ajoute :

« Et je vous ai choisi, monsieur Beale, pour prêcher cet évangile.

Beale : Mais pourquoi moi ?

Jensen : Parce que tu es à la télévision, imbécile. Soixante millions de personnes vous regardent tous les soirs de la semaine, du lundi au vendredi… »

Il est clair que 90% des gens (les « anti complotistes ») ne comprendront jamais rien à un message pareil. Le système peut donc y aller.

Sources :

Hollywood et la théorie de la conspiration, par Nicolas Bonnal – Le Courrier des Stratèges (lecourrierdesstrateges.fr)

"The World Is a Business, Mr. Beale" - YouTube

Looker (1981) ORIGINAL TRAILER [HD 1080p] - YouTube

Microsoft Word - Document dans Microsoft Internet Explorer (free.fr)

(PDF) Richard Hofstadter Paranoid Style in American Politics | Matei Fratila - Academia.edu

 

 

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jeudi, 15 décembre 2022

Hollywood et la théorie de la conspiration

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Hollywood et la théorie de la conspiration

Nicolas Bonnal

Certains pensent qu’Hollywood est une des simples agences de notre bon Etat profond US. On sait par exemple que la CIA a imposé dans le monde les musées actuels et l’expressionnisme abstrait, bref toute l’entropie artistique contemporaine. Les patrons de la CIA sont ces  « fils à papa sortis de l’Ivy League » (Manfred Holler) qui ont toujours géré au mieux les intérêts financiers et les collections d’art des familles à Wall Street ; d’autre part les grandes stars (Fred Astaire, John Wayne, James Stewart) ont toujours accompagné l’agenda impérial américain. On sait aussi que l’Exorciste de Friedkin fut produit et écrit par William Peter Blatty (CIA officiel) et servait un objectif de reprise en main des populations en Occident ; il servit peut-être aussi à justifier la campagne globale d’avortement et la triple guerre contre le pauvre Irak (revoyez l'effrayant début dans cette perspective).

D’autres pensent au contraire qu’Hollywood, comme la presse, sert la liberté et dénonce les excès du gouvernement et des sévices secrets ! Serge de Beketch me disait que là se trouvait la combine: une série comme X-Files pouvait servir des agendas gouvernementaux bien précis, comme par exemple de déconsidérer les théories de ceux qui doutent. On dénonce bêtement ou excessivement tels excès – et la brave dénonciation s’annule d'elle-même. Un épisode de Deux fics à Miami montrait comment le gouvernement exploite le delirium extraterrestre pour monter des opérations psy et essayer de nouveaux systèmes d’armement. Les extraterrestres, c’est la guerre froide ! Un autre se moquait génialement des télévangélistes, contraints d'en rajouter pour recevoir des dons.

On va parler de huit films, car comme on sait le huit est le nombre de la CIA.

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Matrix : produit pour jeunes universitaires en mal de techno-glose. C’est certainement le plus conspiratif et le plus gnostique de nos films. La réalité est un bandeau agité devant notre naseau. Mais nous préférons la mauvaise pilule à la bonne. C’est que le monde décrété vrai des frères Washowski (depuis mués en transsexuels) est pire que celui qu’ils veulent détruire. Voyez Matrix 2 ! A noter que le mérovingien popularisé par le da Vinci Code  est venu nous saluer dans le deuxième navet pour nous rappeler combien le prieuré de Sion importe à nos élites globales. Ce qu’apprend Matrix c’est qu’on préfère la matrice à la réalité. C’est la leçon de Cypher avec son beefsteak. Voyez les idiots du village médiatique qui se rassemblent à Portmeirion pour répéter la partie d’échecs du prisonnier. Ils préfèrent la matrice de la série à la réalité du paysage ou à la fuite du personnage. Un autre beau rôle anti-christique de Keanu Reeves est bien sur l’Associé du diable, tourné dans l’appartement de Donald Trump sur Central Park.

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Red : film décalé et culotté, qui voit Bruce Willis parodier enfin ses rôles de sauveur du monde ! On se moque de la CIA, des Merkel de la CIA, des Macron de la CIA, on humilie le vice-président, on parodie la survie avec un tordant John Malkovitch et on réconcilie même l’Amérique et la Russie par une histoire d’amour. La suite est aussi déjantée, avec allusion à Wikileaks et aux « rock stars de la tuerie de masse conceptuelle »…

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Opération espadon : je me souviens de l’article de Charlie Hebdo qui en parlait en septembre 2001. Le film de Dominic Sena, avec un John Travolta en pleine forme démontre froidement que les services secrets occidentaux débauchent les hackers et organisent eux-mêmes les attentats pour calmer leurs populations et punir tous les Irak de la planète. A transmettre à Bollyn.com ; pour Charlie c’est tard.

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Hors de contrôle (Edge of darkness) : un bon chrétien nommé Mel Gibson venge sa fille (une actrice serbe !) martyr de l’Etat profond et aussi d’une association d’activistes écologiques. Le produit britannique est cruel et rend bien parano. Le film s’attaque moins au nucléaire qu’à ce qui le protège, les polices parallèles, la violence cryptée, les territoires interdits (nous sommes entourés de barbelés, plus que les troupeaux). Une naïve référence à la presse libre. Mais comme disait Serge de Beketch, les gens ont besoin de vaseline (il le disait à propos d’Erin Brokovitch).

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Shooter : un film très audacieux du talentueux cinéaste black Antoine Fuqua. Un sniper piégé par l’Etat profond (il est un patsie, comme le pauvre Oswald) se venge et massacre tout son monde, l’US sénateur compris. Comme dit Fuqua, le bon gros panel a préféré cette fin - on lui en proposait une moins vengeresse. Le FBI y est présenté comme une gentille et professionnelle agence luttant (avec le NYT ?) contre les pourris de notre Etat profond.

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L’invasion des profanateurs de sépulture : grand classique des années cinquante censé critiquer l’anticommunisme de Forrestal selon Oliver Stone ! Je ne suis pas d’accord (en plus Forrestal fut décrété fou et liquidé). Le film explique justement que les êtres humains renaissent comme alias avec des pods ; comme vous avec votre portable, avec votre personnalité électronique et tout le reste. Le body snatcher ? Un connecté, dépossédé de lui.

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En quatrième vitesse : le classique des classiques, ma première critique de cinéma à l’Idiot international. Le meilleur film noir du cinéma américain, tourné aussi sur l’Etat profond, le nucléaire, la peur du nucléaire, l’art contemporain, le FBI et toute leur panoplie. Le réalisateur est Robert Aldrich, propre neveu du sénateur-fondateur de la Fed marié à une fille Rockefeller. On rappelle que la Fed fut créée en 1913 pour financer la guerre l’année suivante. Le cas Aldrich montre que le serpent de la connaissance se mord la queue.

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Demolition man : un film maudit et oublié, avec Stallone et Sandra Bullock, qui montre une société futuriste carrément eunuque, et dirigée suivant des règles presque brahmaniques par un gourou nommé Cocteau. Mais ce dernier veut renforcer son pouvoir et cela va causer sa perte. Les amendes pleuvent en cas de gros mots prononcés à haute voix et une puce injectée contrôle et situe chaque citoyen. Demolition man montre la dictature démocratique arrivée à son sommet dont l'UE est la pure émanation. Il lui manque (en eurovision) à organiser des chasses aux complotistes. On est sur la bonne voie (revoyez le Prix du danger de Boisset, adapté aux USA d'ailleurs – avec Schwarzenegger dans le rôle du gibier).

Hollywood peut se permettre ce type de film. Le public n'y voit que du feu. Et il est idiot d'ignorer cette évidence : le système n'a pas besoin d'avancer par énigmes. La masse étant aveugle, on n'a pas besoin de lui bander les yeux.

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dimanche, 11 décembre 2022

Tocqueville et le grand et coûteux avènement de la classe moyenne en France

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Tocqueville et le grand et coûteux avènement de la classe moyenne en France

Nicolas Bonnal

Lire et relire Tocqueville. Il a découvert avant tout le monde le peuple nouveau de Macron. C’est un peuple conforté, étatisé, subventionné, mais aussi socialiste, européen, belliqueux et progressiste en diable. Tocqueville comme Cournot sait que plus rien de grand ne nous attend après 1789. En 1848 il assiste écœuré et même ennuyé à la très actuelle révolution de 1848. Et il dit de notre histoire moderne dans ses splendides Souvenirs :

« Notre histoire, de 1789 à 1830, vue de loin et dans son ensemble, ne doit apparaître que comme le tableau d’une lutte acharnée entre l’ancien régime, ses traditions, ses souvenirs, ses espérances et ses hommes représentés par l’aristocratie, et la France nouvelle conduite par la classe moyenne. 1830 a clos cette première période de nos révolutions ou plutôt de notre révolution, car il n’y en a qu’une seule, révolution toujours la même à travers des fortunes diverses, que nos pères ont vu commencer et que, suivant toute vraisemblance, nous ne verrons pas finir. »

Et en 1830 triomphe de la classe moyenne qui est venu avec le culte étatique :

« En 1830, le triomphe de la classe moyenne avait été définitif et si complet que tous les pouvoirs politiques, toutes les franchises, toutes les prérogatives, le gouvernement tout entier se trouvèrent renfermés et comme entassés dans les limites étroites de cette seule classe, à l’exclusion, en droit, de tout ce qui était au-dessous d’elle et, en fait, de tout ce qui avait été au-dessus. Non seulement elle fut ainsi la directrice unique de la société, mais on peut dire qu’elle en devint la fermière. Elle se logea dans toutes les places, augmenta prodigieusement le nombre de celles-ci et s’habitua à vivre presque autant du Trésor public que de sa propre industrie. »

Flaubert a résumé aussi ces événements dans sa correspondance ; et Taine. Guénon en parle aussi de cette classe moyenne qui précipite la Fin de la Tradition en Occident – et qui gobe goulument Reset et vaccin.

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Tocqueville évoque même, comme le Nietzsche du Zarathoustra, un « rapetissement » universel:

« A peine cet événement eut-il été accompli, qu’il se fit un très grand apaisement dans toutes les passions politiques, une sorte de rapetissement universel en toutes choses et un rapide développement de la richesse publique. L’esprit particulier de la classe moyenne devint l’esprit général du gouvernement ; il domina la politique extérieure aussi bien que les affaires du dedans : esprit actif, industrieux, souvent déshonnête, généralement rangé, téméraire quelquefois par vanité et par égoïsme, timide par tempérament, modéré en toute chose, excepté dans le goût du bien-être, et médiocre ; esprit, qui, mêlé à celui du peuple ou de l’aristocratie, peut faire merveille, mais qui, seul, ne produira jamais qu’un gouvernement sans vertu et sans grandeur. »

Médiocrité, malhonnêteté, vanité, toute notre histoire républicaine dont la finalité est un rabougrissement de la destinée du pays dont de Gaulle eut le dernier la vision. Il poursuit :

« Maîtresse de tout comme ne l’avait jamais été et ne le sera peut-être jamais aucune aristocratie, la classe moyenne, devenue le gouvernement, prit un air d’industrie privée ; elle se cantonna dans son pouvoir et, bientôt après, dans son égoïsme, chacun de ses membres songeant beaucoup plus à ses affaires privées qu’aux affaires publiques et à ses jouissances qu’à la grandeur de la nation. »

Mais le Français ne voulait pas de retour en arrière, pour rien au monde ; il est moins nostalgique encore que l’américain qui a les indiens ; il est content de son « égalité » :

« L'ancienne dynastie était profondément antipathique à la majorité du pays. Au milieu de cet alanguissement de toutes les passions politiques que la fatigue des révolutions et leurs vaines promesses ont produit, une seule passion reste vivace en France : c'est la haine de l'ancien régime et la défiance contre les anciennes classes privilégiées, qui le représentent aux yeux du peuple. Ce sentiment passe à travers les révolutions sans s'y dissoudre, comme l'eau de ces fontaines merveilleuses qui, suivant les anciens, passait au travers des flots de la mer sans s'y mêler et sans y disparaître. »

La haine des rois est permanente, voir le sort de Notre-Dame ; on n’a pas ici besoin de cancel culture made in USA.

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Personne n’aime alors vraiment la république ; mais ces haines sont molles :

« La république était sans doute très difficile à maintenir, car ceux qui l'aimaient étaient, la plupart, incapables ou indignes de la diriger et ceux qui étaient en état de la conduire la détestaient. Mais elle était aussi assez difficile à abattre. La haine qu'on lui portait était une haine molle, comme toutes les passions que ressentait alors le pays. D'ailleurs, on réprouvait son gouvernement sans en aimer aucun autre. Trois partis, irréconciliables entre eux, plus ennemis les uns des autres qu'aucun d'eux ne l'était de la république, se disputaient l'avenir. De majorité, il n'y en avait pour rien. »

Toujours au même point, pas vrai ?

Tout le monde surtout veut déjà vivre de subventions et de manne publique (O Louis Blanc ! O ateliers nationaux ! O Bastiat !) :

« La vérité est, vérité déplorable, que le goût des fonctions publiques et le désir de vivre de l'impôt ne sont point chez nous une maladie particulière à un parti, c'est la grande et permanente infirmité de la nation elle-même ; c'est le produit combiné de la constitution démocratique de notre société civile et de la centralisation excessive de notre gouvernement ; c'est ce mal secret, qui a rongé tous les anciens pouvoirs et qui rongera de même tous les nouveaux. »

Une fois son confort assuré on peut divaguer socialo, woke ou autre.

Le grand esprit parlera « d’industrie de la place » dans son Ancien régime ; c’est Taine qui parle de cette profusion du bourgeois, espèce qui croît avec l’étatisme (La Fontaine et ses Fables, dernière expression de l’esprit français traditionnel).

Avec un peuple comme ça, pas de théorie du complot ; Tocqueville l’attaque impeccablement dans sa lettre au marquis de Circourt et dans sa correspondance avec Gobineau :

« C’est mal employer le temps que de rechercher quelles conspirations secrètes ont amené des événements de cette espèce. Les révolutions, qui s’accomplissent par émotion populaire, sont d’ordinaire plutôt désirées que préméditées. Tel qui se vante de les avoir machinées n’a fait qu’en tirer parti. Elles naissent spontanément d’une maladie générale des esprits amenée tout à coup à l’état de crise par une circonstance fortuite que personne n’a prévue ; et, quant aux prétendus inventeurs ou conducteurs de ces révolutions, ils n’inventent et ne conduisent rien ; leur seul mérite est celui des aventuriers qui ont découvert la plupart des terres inconnues. Oser aller toujours droit devant soi tant que le vent vous pousse. »

Et comme on citait Gobineau…

Arthur de Gobineau résume, assez génialement doit-on dire, le présent perpétuel des Français (Lettre de Téhéran adressée à Tocqueville, 29 novembre 1856) :

« Un peuple qui, avec la République, le gouvernement représentatif ou l’Empire, conservera toujours pieusement un amour immodéré pour l’intervention de l’Etat en toutes ses affaires, pour la gendarmerie, pour l’obéissance passive au collecteur, au (illisible), à l’ingénieur, qui ne comprend plus l’administration municipale, et pour qui la centralisation absolue et sans réplique est le dernier mot du bien, ce peuple-là, non seulement n’aura jamais d’institutions libres, mais ne comprendra même jamais ce que c’est. Au fond, il aura toujours le même gouvernement sous différents noms… »

Vite, un successeur à Macron…

https://fr.wikisource.org/wiki/Souvenirs_(Tocqueville)/Te...

samedi, 03 décembre 2022

Le crocodile et la littérature moderne - Recension suite à la parution en Roumanie du livre que notre ami Nicolas Bonnal a consacré au grand Dostoïevski

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Le crocodile et la littérature moderne

Recension suite à la parution en Roumanie du livre que notre ami Nicolas Bonnal a consacré au grand Dostoïevski

par Octavian SOVIANY
    
Source: https://www.observatorcultural.ro/articol/crocodilul-si-literatura-moderna/

Né en 1961 à Tunis, après avoir suivi des études d'histoire et de philosophie, et montré une préoccupation constante pour l'ésotérisme, Nicolas Bonnal est devenu l'auteur de plusieurs essais passionnants, tels que Mitterrand, le grand initié, Tolkien : les univers d'un magicien, Les mystères de Stanley Kubrick, Les chevaliers hyperboréens et Le Graal.

Dans Dostoïevski et la modernité européenne (à paraître en version roumaine aux éditions Sens), Bonnal part de l'idée que le grand écrivain russe était aussi un grand visionnaire, anticipant, avec une clairvoyance presque invraisemblable, le monde occidental d'aujourd'hui, avec ses mentalités et ses comportements spécifiques.

Et dans sa démarche, l'essayiste prend comme point de départ un récit moins connu et moins apprécié de Dostoïevski, Le Crocodile, généralement considéré comme une satire des idées socialistes et de Tchernychevski, que certains commentateurs ont identifié au protagoniste de l'histoire. Dans un autre ordre d'idées, Le Crocodile est un récit absurde, dans lequel l'influence de Gogol (du Parrain et du Manteau) se fait sentir ; il se développe selon des lignes différentes des grands romans dostoïevskiens et reste quelque peu "atypique" dans la création globale de l'écrivain. À la demande de sa femme, le domestique Ivan Matveich visite une ménagerie où est exposé un crocodile. Les deux sont accompagnés d'un ami de la famille qui joue le rôle de narrateur. Puis les événements se précipitent : Ivan est avalé par le reptile et, une fois dans son ventre, affirme ses prétentions à être le gourou de l'humanité, pour que le crocodile soit finalement dévoré par un "gourmet" en quête de délicatesse (ou du moins dans l'une des deux fins possibles).

Nicolas Bonnal estime que cette histoire offre une clé pour comprendre l'œuvre de Dostoïevski. C'est "une parabole libre où le fantastique se mêle au comique et qui traite de toute une série de problèmes historiques et, surtout, économiques. On pourrait même dire que le récit de Dostoïevski est l'un des premiers textes à tordre le cou à l'économie politique, cette - comme on l'a dit - "négation complète de l'homme". Et que l'on y retrouve Kafka, une partie de Maupassant, le ton moqueur de la presse subversive et toutes les options autodestructrices de la littérature moderne. Car en laissant son crocodile le dévorer à la fin de son texte, Dostoïevski nous plonge dans un chaos destructeur et une destruction créatrice des plus fascinantes."

Selon Bonnal, l'écrivain russe anticipe ainsi non seulement le monde et l'homme actuels, mais aussi une grande partie de la littérature européenne moderne, avec ses méthodes et moyens spécifiques, de Maupassant et Zola à Kafka et Eugène Ionesco. Ainsi, dans Le Crocodile, le narrateur perd la présence et l'autorité que lui confère le roman balzacien, il est loin d'être omniscient et omnipotent, se transformant en une sorte de "bonhomme tout terrain" de son personnage. Et à la fin, son discours est brusquement interrompu : "Il est aporétique, il ne s'accompagne pas d'une fin, d'une conclusion qui satisferait le lecteur. Il reste ouvert, comme s'il se sentait indigne de raconter l'histoire plus avant. Et cela frise une fois de plus le ridicule, mais un ridicule vague, un ridicule imprécis. Et là, la narration s'approche à nouveau du surréalisme. Nous sommes dans les environs des Mémoires d'un fou de Gogol. Seulement, celles-ci ressemblent davantage aux notes d'un ami de la famille".

Mais le narrateur n'est pas le seul à perdre sa présence : les personnages eux-mêmes se comportent comme des marionnettes, ressemblant plus à des masques comiques qu'à de véritables personnes. Car ils représentent les aspects humains "massifiés" du monde actuel et sont vides à l'intérieur, comme le crocodile, et ce vide intérieur les condamne à un éternel enfantillage. D'Elena Ivanovna, la femme du protagoniste, Bonnal écrit, par exemple, "qu'elle est moins une création de Dieu et plus une création de la société moderne. Elle est parisienne parce qu'elle a tous les défauts de la parisienne ou de la "femme moderne" ou de la consommatrice d'émotions, de sensations et de produits sophistiqués. Elle veut profiter, consommer, tromper son homme. Elle plaît aux hommes et cherche à plaire. Elle est un animal de salon. Elle est faite pour être l'animatrice d'une soirée. Mais son comportement reste enfantin, et sa vie sexuelle semble se réduire à... des pincements ("Laisse-moi te pincer pour partir. Je suis très doué pour pincer.")".

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L'histoire de Dostoïevski est également extrêmement moderne en ce qui concerne le symbolisme. Dans la littérature du dernier siècle et demi, les symboles se dégradent et se transforment en signes. Alors que le symbole est transparent et renvoie toujours à une signification qui lui est transcendante, le signe est opaque, peut avoir une infinité de significations puisqu'il n'en a aucune. C'est également le cas chez le Crocodile. Ou, pour reprendre les mots de Bonnal : "Métaphore parfaite, le crocodile de Dostoïevski peut tout signifier. Une œuvre ouverte par anticipation, elle peut prendre toutes les significations que le lecteur lui attribue. De ce point de vue, le crocodile [qui est vide à l'intérieur - n.m.] est rempli de sens, tout comme Ivan le remplit de sa présence incertaine plus que de son corps". Et, dans cette veine, le crocodile devient une parabole sur la voracité du signe, du non-sens qui avale le monde, le ramenant au dénominateur commun de l'absurde. Et la fin est éclairante à cet égard. Le narrateur apprend maintenant de deux journaux différents le sort d'Ivan et du crocodile. L'un affirme que le reptile a été mangé par un gourmet, l'autre qu'il sert de chambre à coucher à un ivrogne inconnu.

C'est à ce moment-là que le récit devient sa propre négation, s'autodévorant ou s'absorbant (pour reprendre les termes de Bonnal), établissant à jamais cet empire du non-sens dont parlait Jacques Ellul à propos de l'art moderne. Et Dostoïevski est, à cet égard aussi, un immense précurseur. Nicolas Bonnal n'en est pas moins digne d'éloges pour avoir réussi à découvrir dans ce conte moins discuté certaines des marques de la littérature moderne. Si l'attitude critique de Dostoïevski à l'égard du monde occidental était bien connue, si un lecteur "intello" a du mal à digérer sa slavophilie et sa croyance (exprimée par la voix du prince Michkine) dans le caractère "théophore" du peuple russe, le caractère visionnaire de l'écrivain (tant en ce qui concerne l'homme lui-même que sa littérature) est étonnant. On le retrouve dans Le Crocodile, L'Idiot et Les Possédés, deux autres romans auxquels Nicolas Bonnal fait tangentiellement référence, dans un livre vif, polémique et plein des associations les plus surprenantes.

mercredi, 30 novembre 2022

Le révérend Bruckberger et «l’obsession suicidaire de la race blanche»

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Le révérend Bruckberger et «l’obsession suicidaire de la race blanche»

Nicolas Bonnal

Ami de Bernanos, le révérend Bruckberger (sympathique défenseur du cinéma aussi et scénariste des Carmélites, plus grand film français oublié) publie chez Stock en 1979 une Lettre ouverte au pape polonais dont on faisait alors grand cas. Il y avait chez Jean-Paul II un aspect vedette de showbiz en effet qui en rebutait certains; il fut immédiatement une star planétaire incontestée et jamais détrônée; mais le bon Bruckberger, ancien résistant comme on dit et répète, voyait dans ce pape d’un pays persécuté par la Russie et par le communisme l’occasion d’une renaissance (vieille antienne dans les milieux catholiques) et d’un réveil spirituel. On sait ce que tout cela a donné.

 Aujourd’hui, avec Bergoglio, l’Eglise a touché le fond et creuse encore – d’ailleurs Bruckberger tape très bien sur les jésuites comme un certain Baudrillard à la même époque (le jésuitisme ou le catholicisme comme simulacre). Le troupeau catho, plus gérontocrate, écolo, résigné, woke et vacciné que jamais, n’a pas répondu aux attentes du trop isolé Mgr Vigano (parfois la résistance est tellement isolée qu’on se demande en effet si elle n’est pas contrôlée – mais pour cette seule raison) ou du bon ami de Bernanos. Ce dernier, dont j’ai tant de fois médité et cité les textes, oscillait aussi entre une tendance optimiste et une tendance réaliste (ne me dites pas qu’elle est pessimiste à l’heure de l’engloutissement de la France), qui voyait l’Eglise ranger sous la bannière répugnante du G20 et de sa tyrannie vaccinale et sanitaire présente et à venir (certains nous font le coup des BRICS qui vont tout sauver, ben voyons). Certes on a un seul Vigano mais c’est bien peu. Bruckberger rappelle que les évêques ont tous ou presque fichu le camp en 1940 comme en… 1789 : le catho (bourgeois qui se prend pour un chrétien) était en route.

Pas de vocation au martyre déjà donc en ces époques obscures (ô mon jardin des oliviers, ô mon gentil reniement, ô mon coq qui chantera trois fois…) ; et de rappeler que Thomas More fut bien seul quand il plut au Barbe-Bleue anglais de fonder sa religion sur mesure. Dès 1707 ensuite, Jonathan Swift se demande par quoi on va remplacer le christianisme; j’ai bien traité le sujet tout comme j’ai expliqué que pour le grand penseur athée Feuerbach la religion est déjà remplacée par son masque en plein dix-neuvième siècle bourgeois.

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Et Bernanos écrit dans son livre-hommage à Drumont :

« Les puissantes démocraties capitalistes de demain, organisées pour l’exploitation rationnelle de l’homme au profit de l’espèce, avec leur étatisme forcené, l’inextricable réseau des institutions de prévoyance et d’assurances, finiront par élever entre l’individu et l’Église une barrière administrative qu’aucun Vincent de Paul n’essaiera même plus de franchir. Dès lors, il pourra bien subsister quelque part un pape, une hiérarchie, ce qu’il faut enfin pour que la parole donnée par Dieu soit gardée jusqu’à la fin, on pourra même y joindre, à la rigueur, quelques fonctionnaires ecclésiastiques tolérés ou même entretenus par l’État, au titre d’auxiliaires du médecin psychiatre, et qui n’ambitionneront rien tant que d’être traités un jour de « cher maître » par cet imposant confrère… Seulement, la chrétienté sera morte. Peut-être n’est-elle plus déjà qu’un rêve ? »

Dans sa partie critique qui n’a pas vieilli, Bruckberger doute comme nous en l’an 1979 du clergé français et du troupeau catho qui n’a plus rien à dire ou à affirmer. Il attaque le fétichisme conciliaire (Vatican II donc pour les distraits) qui a servi à accélérer la déchristianisation du pays: revoyez le début du Gendarme à Saint-Tropez; on va encore à la messe, on filme en noir et blanc, on porte foulard (le platok de ma femme), et ensuite on passe à la société yéyé avec la charmante Geneviève Grad. Ce film incompris est un modèle.

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Bruckberger comprendrait aussi le besoin de suicide assisté que le vaccin, le Reset, la guerre et le Grand Remplacement fournissent à la vieille race blanche (voir mon livre publié en 2009). Et cela donne dans son ouvrage lumineux, à découvrir ou redécouvrir incessamment : « Pour tout détruire invoquez allègrement le concile !... Le fond de l’affaire est que la race blanche traverse une crise d’obsession suicidaire, et désormais la science lui donne la possibilité d’en finir avec elle-même, en douceur, et presque sans le vouloir, à la manière dont se commettent les suicides les plus lâches. C’est cela qu’il fallait dire (Lettre à Jean-Paul II pape de l’an 2000). »

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Il me semble que cette phrase explique tout ce qui nous arrive : wokisme, vaccin, chasse au carbone..

Mais Bruckberger ne cesse d’encenser la Pologne. La Pologne déniaisée et déchristianisée, enragée par la guerre et sa russophobie exterminatrice, commence à crever de sa guerre sinon. 25% d’inflation et on verra dans quelques années. Pour ce qui est de la Russie communiste on sait ce qu’il en advint. Je ne fais pas de la Russie le Katechon qu’en font certains (il y a des limites au blasphème surtout quand on est chrétien amateur) mais c’est certainement le pays le moins hostile au christianisme en ce moment. Tout cela est conforme aux prédictions de Dostoïevski (voyez mon livre Dostoïevski et la modernité occidentale, qui vient d’être traduit en roumain, comme celui sur Tolkien – le premier-  avait été traduit en russe en 2002), qui voyait dans la Russie le peuple « déifère «  (peuple porteur de Dieu, voyez les Possédés p. 307). Bruckberger également cite Soljenitsyne, qui ne se rend pas compte que c’est grâce à ce dernier grand écrivain européen que l’on doit les plus belles des DERNIERES lignes contre le monde moderne déchristianisé. Depuis plus personne ne râle et tout le monde nage dans le bonheur.

A quarante ans de là rien n’a changé: nous étions dans le monde obscur et luciférien décrit par le sympathique Maurice Clavel que "Bruck" cite aussi beaucoup. On est plus vieux, plus fatigués plus soumis et on ne croit plus au carbone. Nous sommes sur le point de disparaître et je citerai une belle phrase de mon regretté ami Volkoff : « votre disparition ne sera pas seulement scientifique, elle sera juste ».

J’ai dit ce que j’avais à dire. Lisez son livre.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Raymond_L%C3%A9opold_Bruckb...

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samedi, 26 novembre 2022

Guy de Maupassant et nos déboires démocratiques (et parlementaires)

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Guy de Maupassant et nos déboires démocratiques (et parlementaires)

Citations choisies par Nicolas Bonnal

Maintenant qu’ils savent lire et écrire, la bêtise latente se dégage.

« En effet, livrer des millions d’hommes, des intelligences d’élite, des savants, des génies même, au caprice, au bon vouloir d’un être qui, dans un moment de gaieté, de folie, d’ivresse ou d’amour, n’hésitera pas à tout sacrifier pour sa fantaisie exaltée, dépensera l’opulence du pays péniblement amassée par tous, fera hacher des milliers d’hommes sur les champs de bataille, etc., etc., me paraît être, à moi, simple raisonneur, une monstrueuse aberration.

« Mais en admettant que le pays doive se gouverner lui-même, exclure sous un prétexte toujours discutable une partie des citoyens de l’administration des affaires est une injustice si flagrante, qu’il  me semble inutile de la discuter davantage.

« Autrefois, quand on ne pouvait exercer aucune profession, on se faisait photographe ; aujourd’hui on se fait député. Un pouvoir ainsi composé sera toujours lamentablement incapable ; mais incapable de faire du mal autant qu’incapable de faire du bien. Un tyran, au contraire, s’il est bête, peut faire beaucoup de mal et, s’il se rencontre intelligent (ce qui est infiniment rare), beaucoup de bien.

« Entre ces formes de gouvernement, je ne me prononce pas ; et je me déclare anarchiste, c’est-à-dire partisan du pouvoir le plus effacé, le plus insensible, le plus libéral au grand sens du mot, et révolutionnaire en même temps, c’est-à-dire l’ennemi éternel de ce même pouvoir, qui ne peut-être, de toute façon, qu’absolument défectueux. Voilà. »

Des cris d’indignation s’élevèrent autour de la table, et M. Patissot en cherchant bien, découvrit une place libre au second rang, à côté d’un vieux monsieur décoré et d’une petite femme vêtue en ouvrière, à l’œil exalté, ayant sur la joue une marbrure enflée.

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Le bureau était au complet.

La citoyenne Zoé Lamour, une jolie brune replète, portant des fleurs rouges dans ses cheveux noirs, partageait la présidence avec une petite blonde maigre, la citoyenne nihiliste russe Eva Schourine.

Juste au-dessous d’elles, l’illustre citoyenne Césarine Brau, surnommée le « Tombeur des hommes », belle fille aussi, était assise à côté du citoyen Sapience Cornut, retour d’exil. Celui-là, un vieux solide à tous crins, d’aspect féroce, regardait la salle comme un chat regarde une volière d’oiseaux, et ses poings fermés reposaient sur ses genoux.

À droite, une délégation d’antiques citoyennes sevrées d’époux, séchées dans le célibat, et exaspérées dans l’attente, faisait vis-à-vis à un groupe de citoyens réformateurs de l’humanité, qui n’avaient jamais coupé ni leur barbe ni leurs cheveux, pour indiquer sans doute l’infini de leurs aspirations.

Le public était mêlé.

La citoyenne Zoé Lamour ouvrit la séance par un petit discours. Elle rappela la servitude de la femme depuis les origines du monde ; son rôle obscur, toujours héroïque, son dévouement constant à toutes les grandes idées. Elle la compara au peuple d’autrefois, au peuple des rois et de l’aristocratie, l’appelant : « l’éternelle martyre » pour qui tout homme est un maître ; et, dans un grand mouvement lyrique, elle s’écria : « Le peuple a eu son 89, ayons le nôtre ; l’homme opprimé a fait sa Révolution ; le captif a brisé sa chaîne ; l’esclave indigné s’est révolté. Femmes, imitons nos despotes. Révoltons-nous ; brisons l’antique chaîne du mariage et de la servitude ; marchons à la conquête de nos droits ; faisons aussi notre révolution. »

Pardon, Monsieur, je suis un libéral, moi. Voici seulement ce que je veux dire : Vous avez une montre, n’est-ce pas ? Eh bien, cassez un ressort, et allez la porter à ce citoyen Cornut en le priant de la raccommoder. Il vous répondra, en jurant, qu’il n’est pas horloger. Mais, si quelque chose se trouve détraqué dans cette machine infiniment compliquée qui s’appelle la France, il se croit le plus capable des hommes pour la réparer séance tenante. Et quarante mille braillards de son espèce en pensent autant et le proclament sans cesse. Je dis, Monsieur, que nous manquons jusqu’ici de classes dirigeantes nouvelles, c’est-à-dire d’hommes nés de pères ayant manié le pouvoir, élevés dans cette idée, instruits spécialement pour cela comme on instruit spécialement les jeunes gens qui se destinent à la Polytechnique.

Des « chut ! » nombreux l’interrompirent encore une fois. Un jeune homme à l’air mélancolique occupait la tribune. Il commença :

Le vieux monsieur répondit :

— Non, Monsieur ; ils sont des millions comme ça. C’est un effet de l’instruction. Patissot ne comprenait pas.

— De l’instruction ?

— Oui ; maintenant qu’ils savent lire et écrire, la bêtise latente se dégage.

C’était un de ces hommes politiques à plusieurs faces, sans conviction, sans grands moyens, sans audace et sans connaissances sérieuses, avocat de province, joli homme de chef-lieu, gardant un équilibre de finaud entre tous les partis extrêmes, sorte de jésuite républicain et de champignon libéral de nature douteuse, comme il en pousse par centaines sur le fumier populaire du suffrage universel.

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Son machiavélisme de village le faisait passer pour fort parmi ses collègues, parmi tous les déclassés et les avortés dont on fait des députés. Il était assez soigné, assez correct, assez familier, assez aimable pour réussir. Il avait des succès dans le monde, dans la société mêlée, trouble et peu fine des hauts fonctionnaires du moment.

Mais une vérité me semble être sortie de tout cela ; c'est qu'on n'a nul besoin du vulgaire, de l'élément nombreux des majorités, de l'approbation, de la consécration. 89 a démoli la royauté et la noblesse, 48 la bourgeoisie et 51 le peuple. Il n'y a plus rien, qu'une tourbe canaille et imbécile. Nous sommes tous enfoncés au même niveau dans une médiocrité commune. L'égalité sociale a passé dans l'esprit. On fait des livres pour tout le monde, de l'art pour tout le monde, de la science pour tout le monde, comme on construit des chemins de fer et des chauffoirs publics. L'humanité a la rage de l'abaissement moral, et je lui en veux de ce que je fais partie d'elle.

Lettre à Louise Colet, 21-22 septembre 1853.

 

vendredi, 25 novembre 2022

Virginia Woolf et le changement climatique

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Virginia Woolf et le changement climatique

Nicolas Bonnal

Flaubert se moque dans sa correspondance (vers 1853 je crois) des débuts du changement climatique et de l’obsession météo : suite à un orage, le préfet intervient (voyez mon texte). Aujourd’hui le couillon éternellement satisfait du corps électoral et téléphage (il ne faut pas le combattre, il faut le fuir, c’est plus courageux) va en avoir pour son argent et pour sa météo comme on sait. 50% de privés de bagnole d’ici quinze ans, et tout le monde est écolo content. L’important c’est de rester euphorique et d’écouter BFM. Car il restera toujours du courant pour écouter BFM.

Mais c’est Virginia Woolf qui dans un texte génial (début du chapitre V d’Orlando) évoque le mieux le changement climatique. Or comme on sait aussi Orlando est un personnage qui à travers ses siècles de vie change de sexe (quelle idée superbe tout de même).

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Ici le grand écrivain (moi aussi je la change de sexe) décrit le changement climatique de l’époque pré-victorienne (on connait tous Jane Austen grâce à Hollywood qui n’y a rien compris). On quitte le lupanar du siècle libertin des Lumières et on entre dans le siècle des pluies, du smog et du carbone – du romantisme aussi. Et ça donne ces lignes géniales sur le changement climatique (profitez, Woolf est très bien traduite, notamment par maître Yourcenar – ses vagues, mon Dieu, ses vagues…) :

« Le lourd nuage gonflé qui, le premier jour du XIXe siècle, couvrait non seulement Londres mais la totalité des Îles Britanniques, s’arrêta, ou, plutôt, ne s’arrêta pas d’obéir aux fluctuations des tempêtes, assez longtemps dans ce coin du ciel pour avoir des effets extraordinaires sur tous les êtres vivant dans son ombre. »

Aux lumières succèdent donc pluies, smog et fog (une des clés pour comprendre Verne comme l’expliqua Gilbert Lamy) :

« Le climat anglais parut bouleversé. Il pleuvait souvent, mais seulement par averses fantasques qui reprenaient sitôt finies. Le soleil brillait, comme de juste, mais emmitouflé par tant de nuages et dans un air si saturé d’eau, que ses rayons perdaient leurs couleurs ; et les violacés, les orangés, les rouges ternes avaient remplacé dans le paysage les teintes plus solides du XVIIIe siècle. Sous le dais de ce ciel meurtri et chagrin, le vert des choux paraissait moins intense, et la neige était d’un blanc sale. »

Après tout – le citoyen, la femme, le sujet – devient humide :

« Mais ceci n’était rien : bientôt s’insinua dans chaque maison l’humidité, le plus insidieux des ennemis ; on peut derrière des persiennes narguer le soleil, et narguer le gel devant un bon feu ; mais l’humidité pénètre chez nous, furtivement, lorsque nous dormons. On ne l’entend pas, on ne la sent pas, et elle est partout. L’humidité gonfle le bois, moisit la marmite, rouille le fer, pourrit la pierre. Et elle agit de façon si pateline qu’il nous faut soulever un coffre, un seau à charbon, et les voir s’émietter soudain, pour soupçonner enfin l’ennemi d’être dans la place. »

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C’est le monde moderne qui s’installe (pensez au livre de Frank La Conquête du cool : un pays mute en quelques années – cf. la France en mai 68 ou en mai 81)…

Les goûts changent, aussi bien intellectuels que gastronomiques ou vestimentaires :

« Ainsi, de façon insensible et furtive, sans que rien marquât le jour ou l’heure de l’altération, le tempérament de l’Angleterre changea, et personne ne s’en aperçut. Rien pourtant ne fut épargné. Les rudes gentilshommes campagnards qui jusque-là s’étaient assis joyeusement devant un repas de bœuf et d’ale dans une salle à manger dessinée, peut-être, par les frères Adam, avec une dignité classique, soudain furent pris d’un frisson. Les douillettes apparurent ; on se laissa pousser la barbe ; on attacha les pantalons étroitement par des sous-pieds. »

On change les meubles et les mets :

« Et ce froid qui montait aux jambes, le gentilhomme campagnard eut tôt fait de le communiquer à sa maison ; les meubles furent capitonnés ; les tables et les murs, couverts ; et rien ne resta nu. Alors un changement de régime devint indispensable. On inventa le « muffin » et le « crumpet »

La décoration, les fleurs, les boissons tout change :

« Le café, après le dîner, supplanta le porto, et comme le café exigeait un salon où on pût le boire, comme le salon exigeait des globes, les globes des fleurs artificielles, les fleurs artificielles des cheminées bourgeoises, les cheminées bourgeoises des pianos, les pianos des ballades pour salons, les ballades pour salons, en sautant un ou deux intermédiaires, une armée de petits chiens, de carrés en tapisserie, et d’ornements en porcelaine, le « home » – qui avait pris une importance extrême – changea du tout au tout. »

Alors aussi apparait le beau et abondant feuillage anglais (voyez le Messager de Losey, le Limier de Mankiewicz et les fleuries adaptations de Thomas Hardy) :

« Au-dehors, cependant, par un nouvel effet de l’humidité, le lierre s’était mis à croître avec une profusion inouïe. Les maisons, jusque-là de pierre nue, furent étouffées sous le feuillage. Pas un jardin, si rigide que fût son dessin original, qui ne possédât maintenant sa pépinière, son coin sauvage et son labyrinthe. Le peu de jour qui pénétrait dans les chambres d’enfants filtrait à travers des épaisseurs vertes, et le peu de jour qui entrait dans les salons où vivaient les adultes, hommes et femmes, traversait des rideaux de peluche écarlate ou brune. »

Les changements vont aussi être intellectuels :

« Mais les changements ne se limitèrent pas à l’extérieur des êtres. L’humidité pénétra plus avant. Les hommes sentirent le froid dans leur cœur, le brouillard humide dans leur esprit. En un effort désespéré, pour donner à leurs sentiments un nid plus chaud, un creux quelconque où se blottir, ils essayèrent de tous les moyens pour… »

Et on vous laisse découvrir la suite. Le dix-neuvième a tourné le dos totalement au dix-huitième et a créé surtout en Europe de formidables « grandes transformations ». Des Lumières au romantisme…

Sources :

Virginia Woolf – Orlando

mardi, 22 novembre 2022

Macron et la providentielle punition des Français

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Macron et la providentielle punition des Français

Nicolas Bonnal

Les Français ont élu et réélu Macron après avoir voté Hollande et Sarkozy. En 2007 ils ont voté pour les trois candidats ultra-européens après avoir soi-disant refusé l’Europe (distrait référendum de 2005). Depuis Mitterrand ils se considèrent comme écologistes, antiracistes, socialistes, européistes, mondialistes, sauf une faible minorité fascisée d’abord puis traitée de complotiste. Depuis 1984, date du départ des cocus communistes et de l’arrivée au pouvoir de Fabius, il y a un seul parti, celui des « élites mondialisées », comme disait un hiérarque républicain. Mais le peuple parfaitement enthousiaste dont a parlé Céline vote et revote pour le même casse-pipe. Avec Macron on a passé les bornes (sic) : comme disait Roland Hureaux, on a voté pour le candidat de l’ultra-finance en 2017, qui était, comme par hasard, aussi le candidat de l’ultragauche sociétale. Je ne fais aucune différence entre Macron, LR (Sarkozy non plus d’ailleurs) et LFI. Tout cela est un sac à puces socialiste, un sac à malices mitterrandien (cf. mon « grand initié »).

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Aujourd’hui cet idéalisme mitterrandien passe facture : pauvreté, misère, « remplacement » (petit ou grand, alors ?), insécurité, évanouissement militaire, disparition diplomatique et même pénurie de courant et de nourriture. Ran-Tan-Plan « sent confusément quelque chose », mais on ne voit personne se soulever, on est comme dans le texte cauchemardesque de l’Anglaise de Taine dont j’ai parlé maintes fois : des élites folles et un peuple distrait.

Mais Macron j’ai fini par l’apprécier : il va ruiner le Français et le faire souffrir. Et l’autre ne va pas réagir. Il a donc une fonction providentielle, et on sait que la Providence utilise toutes sortes d’outils pour taper sur les imbéciles dont elle a marre.

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C’est le moment donc de relire le début des Considérations sur la France de Joseph de Maistre. Il écrit sur les acteurs de la Terreur révolutionnaire :

« Enfin, plus on examine les personnages en apparence les plus actifs de la révolution, et plus on trouve en eux quelque chose de passif et de mécanique. On ne saurait trop le répéter, ce ne sont point les hommes qui mènent la révolution ; c'est la révolution qui emploie les hommes. »

Et Maistre décrit la méritée punition qui arrive sur tous ces froncés toujours sanguinaires à force d’humanitaire (à Berlin ? A Moscou ! Pendons Poutine à Nuremberg !) :

« On dit fort bien, quand on dit qu'elle va toute seule. Cette phrase signifie que jamais la Divinité ne s'était montrée d'une manière si claire dans aucun évènement humain. Si elle emploie les instruments les plus vils, c'est qu'elle punit pour régénérer. »

Monarchiste et chrétien, Maistre reconnait (on est en 1797) les crimes de la France :

« Chaque nation, comme chaque individu, a reçu une mission qu'elle doit remplir. La France exerce sur l'Europe une véritable magistrature, qu'il serait inutile de contester, dont elle a abusé de la manière la plus coupable. »

La France aura dit-il démoralisé l’Europe :

« La France était surtout à la tête du système religieux, et ce n'est pas sans raison que son Roi s'appelait très-chrétien : Bossuet n'a rien dit de trop sur ce point. Or, comme elle s'est servie de son influence pour contredire sa vocation et démoraliser l'Europe, il ne faut pas être étonné qu'elle y soit ramenée par des moyens terribles. »

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Et si en effet le mitterrandisme ou le coq hérétique avait depuis les années 80 et 90 salement transformé l’Europe : humanitaire, autoritaire, belliciste, jacobine et surtout sociale ? Le néolibéralisme a été simplement une invitation socialiste faite aux politiques de se remplir les poches. Lisez les livres de Hocquenghem et de mon éditeur Thierry Pfister qui en parlèrent très bien de cette gauche caviar.

Certes il n’y a pas que des enthousiastes mondialistes de gauche et d’extrême-gauche en France. Mais ils ne seront pas épargnés. Maistre écrit aussi dans la Deuxième soirée que la mort d’un juste sur un champ de bataille n’est pas une injustice, mais un malheur.

Mais le reste va être puni ; il ajoute, toujours dans ses Considérations :

« Depuis longtemps on n'avait vu une punition aussi effrayante, infligée à un aussi grand nombre de coupables. Il y a des innocents, sans doute, parmi les malheureux, mais il y en a bien moins qu'on ne l'imagine communément. »

Puis Maistre remarque que l’armée (déjà déshonorée, en France on aime ça) n’a pas protégé son roi ; mais que personne n’en a fait autant que les savants (ah Lavoisier, ah Monge, ah Cuvier…) :

« On gémit de voir des savants illustres tomber sous la hache de Robespierre. On ne saurait humainement les regretter trop ; mais la justice divine n'a pas le moindre respect pour les géomètres ou les physiciens. Trop de savants français furent les principaux auteurs de la révolution ; trop de savants français l'aimèrent et la favorisèrent, tant qu'elle n'abattit, comme le bâton de Tarquin, que les têtes dominantes. »

Parodions alors Jules Laforgue : ô médecins des plateaux télé ! O chasseurs de non-vaccinés et de légions d’honneur ! O grands amateurs de subventions et de commissions des labos !

Sur l’armée (pensons à la nôtre en ce moment, si otanesque et nulle) :

« L'indifférence de l'armée ne fut pas moins remarquable. Elle servit les bourreaux de Louis XVI bien mieux qu'elle ne l'avait servi lui-même, car elle l'avait trahi. On ne vit pas de sa part le plus léger témoignage de mécontentement. Enfin, jamais un plus grand crime n'appartint (à la vérité avec une foule de gradations) à un plus grand nombre de coupables. »

J’en termine avec cette phrase du maître (dont un descendant je crois fut compromis sous Sarkozy) :

« Un des plus grands crimes qu'on puisse commettre, c'est sans doute l'attentat contre la souveraineté, nul n'ayant des suites plus terribles. »

Le moins que l’on puisse dire c’est que nos élites n’en ont plus rien à faire de notre souveraineté (je joue sur les mots, mais pas tant que ça). Le peuple aussi semble s’en foutre qui fuit comme la peste les candidats souverainistes dotés de scores comiques aux élections.

Macron va donc pouvoir finir de punir les Français : ils auront le sort du chien et du loup de La Fontaine, la laisse électronique et la misère. Mais ils s’y habitueront et revoteront pour lui ou pire (mon rêve serait Rousseau, la bien nommée). Les amateurs de Schadenfreude en seront pour leurs frais. Les autres iront en Floride ou à Madagascar.

Sources:

https://www.bvoltaire.fr/macron-nest-centre-dextreme-gauc...

https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/f/fc/Maist...

https://www.amazon.fr/Mitterrand-grand-initi%C3%A9-Nicola...

 

 

vendredi, 18 novembre 2022

G20 et passe sanitaire: comment le virtuel nous prive de notre perception et de la révolution

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G20 et passe sanitaire: comment le virtuel nous prive de notre perception et de la révolution

Nicolas Bonnal

L’absence de réaction de notre amorphe masse n’échappe plus à personne, même aux plus optimistes. Le G20 va imposer dans une belle indifférence un pass sanitaire mondial et mondialiste (on a le texte en anglais, tout le monde peut aller vérifier) et cela calmera (ou ne calmera même pas) ceux qui croient encore en une alternative mondialiste faite de Brics et de broc. La guerre en Ukraine a permis l’accélération du Reset, de privations et pénuries organisées et imposées - et elle renforce sous couvert du rideau de fumée médiatique (cette guerre est trop terne pour être vraie, cf. mon ami Shamir) le pouvoir de la coulisse dont parlait Disraeli. Derrière toute guerre mondiale il y a une entente. Le seul bénéficiaire c’est l’Etat totalitaire mondialiste en gestation depuis un siècle ou plus. Joseph de Maistre (Soirées, II) ou Monseigneur Gaume en parlèrent en plein dix-neuvième siècle aussi bien que le PM anglais susnommé. Le nouveau PM anglais d’origine hindoue fera mieux et surtout pire que le précédent. Cela aussi avait été prédit – par Chesterton.

Mais pourquoi ne réagissons-nous pas ? La révolution informatique nous mène à un aveuglement face à la réalité qui nous entoure. Et cette alphabétisation douteuse nous mène à d’autres aliénations : voyez mon texte sur Lévi-Strauss où je raconte comment pour ce grand sceptique moderne la modernité alphabétisatrice avait accouché non d’une souris littéraire (souris qui a disparu depuis longtemps, lisez mieux Macluhan) mais du monstre de la raison – et de la militarisation qui fit cent millions de morts en Europe. L’informatisation de la masse va aboutir au même génocide - ou pire d’ici quelques années. Le passe sanitaire va accoucher de cent vaccins par an.

La masse semble aveugle comme ces imbéciles qui à Barcelone se collaient un masque pour se plonger dans le virtuel quand Zuckerberg déambulait en ricanant au milieu d’eux. On pense à Isaïe alors :

« Soyez étonnés et soyez stupéfaits ! Aveuglez-vous et soyez aveugles ! Ils sont enivrés mais non de vin… L’Eternel a répandu sur vous un esprit de profond sommeil ; il a bandé vos yeux ; les prophètes, vos chefs, les voyants, il les a couverts (29, 9). »

Quand j’écrivais mon livre sur Internet je me rendais compte que toutes les réponses se trouvaient dans la Bible (pour la mondialisation, voyez Isaïe, 60). Idem pour mon livre sur Kubrick…

Mais soyons brefs : comme on sait nous disposons d’un temps d’attention de huit secondes et de la mémoire du poisson rouge. Avec tous ces super-cerveaux connectés, il faut se préparer au pire ; Jean Baudrillard, repris par notre ami Lucien Cerise, déclarait déjà il y a presque trente ans en effet :

« Je n’avais pas vu à l’époque affleurer son christianisme… il (Paul Virilio) se place en position apocalyptique, de prophète anti-apocalypse tout en étant persuadé que le pire peut advenir. Sur ce point, on a fini par diverger. Car, je ne crois pas à cette APOCALYPSE REELLE. Je ne crois pas au réalisme de toute façon, ni à une échéance linéaire de l’Apocalypse. A la limite, si l’on pouvait espérer cet accident total, il n’y aurait qu’à le précipiter, il ne faudrait pas y résister. L’avènement du virtuel est lui-même notre apocalypse. Telle est la situation paradoxale… (Le paroxyste indifférent, Grasset, pp. 46-47). »

Pour ceux que rebute ce style élitiste, lisons ces sages remarques de notre chroniqueuse Jenny, recueillies ce matin :

« Il ne se passera rien du côté du « peuple ». Si demain les frigos se vident le bel Etat providence fournira la pâtée, RAS. Spectacle fascinant ce matin, 7h, devant l’arrêt de bus du 326 « déchargeant » matutinalement un troupeau de laborieux de tous âges et toutes origines et d’étudiants (en tout une bonne trentaine de têtes) : tous, je dis bien tous, avaient à la main leur portable, les yeux rivés dessus, tête penchée. Cette impossibilité à demeurer une seconde avec soi-même sonne pour moi le glas de toute possibilité de réaction du « peuple ». C’est mort. Qu’on s’y fasse. »

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Autrement dit d’un côté on est informé pour se révolter. De l’autre, on est désarmé pour réagir. Ce ne sont pas les armes que les révolutionnaires devraient confisquer au troupeau : c’est son smartphone.

Allez, gardons le moral :

« Fais sortir le peuple aveugle qui a des yeux, et les sourds qui dont des oreilles (Isaïe, 43, 8). »

Sources:

https://www.amazon.fr/DANS-GUEULE-BETE-LAPOCALYPSE-MONDIA...

https://www.amazon.fr/Petits-%C3%A9crits-libertariens-Con...

https://magnificat.ca/textes/bible/isaie.htm

https://twitter.com/f_philippot/status/1592834204798423041

 

 

 

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mercredi, 16 novembre 2022

Ecroulement physique, fin du carbone et dépeuplement

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Ecroulement physique, fin du carbone et dépeuplement

par Nicolas Bonnal

La population française est de plus en plus inerte et prostrée. Elle est affaiblie et incapable de se défendre contre le régime Macron. Tout cela est voulu bien entendu. La fin du carbone est symbolique aussi. Nous rappelions récemment grâce au Figaro :

Tout le monde est vanné :

« Cette perte de motivation n’est sans doute pas sans lien avec la fatigue accumulée à l’occasion des épreuves occasionnées par la pandémie. En effet d’après notre enquête, 41% des Français se sentent plus fatigués qu’avant la crise Covid après un effort physique, contre 54% qui ne ressentent pas de changement et seulement 5% qui ont la sensation d’être moins fatigués qu’avant suite à un effort physique. »

Plus amusant encore l’effondrement des capacités de la cage thoracique :

« Les problèmes physiques de la population et de la jeune génération sont régulièrement documentés depuis plusieurs années maintenant. Ainsi, lorsqu’on compare les résultats à certains tests physiques passés par les adolescents des années 1990 avec ceux passés par les adolescents contemporains, on s’aperçoit que ces derniers ont perdu par exemple un quart de leur capacité pulmonaire en raison du développement de la sédentarité alimentée notamment par les écrans. Conséquence : les jeunes de 2022 mettraient 90 secondes de plus à courir 1600 mètres qu’il y a trente ans. »

Soyons précis : cela veut dire que la « jeune génération » a 30% d’air en moins dans les poumons. Elle n’a rien dans le ventre et pas grand-chose entre les oreilles, pour reprendre un vieux slogan des années 80.

Et nous ajoutions :

« Certes tout cela a commencé avec Loft Story et la culture du confinement née de l’addiction à la technologie, qui crée ce virtuel dont nous crevons maintenant (lire Baudrillard dans Le Paroxyste indifférent à ce propos). »

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Evidemment cela rend la résistance difficile :

« Allez manifester râler et tempêter après cela. Macron, les résistants, il peut les attendre longtemps, et en ricanant encore. Qu’ils viennent me chercher ? Ils ne viendront pas, Manu. Tu n’auras même pas besoin de tes coûteuses automitrailleuses. Le mec il dort. Ou il clique. Ou il mate. »

C’est là que cet affaiblissement lié à la télé, la technologie, la sédentarité, rejoint les buts de Davos. Ne plus consommer de carbone… Lisons Eric Verhaege à ce propos :

« Dans l’hypothèse où Macron, en bon élève du mondialisme, déciderait de pousser les feux sur cette question, quel calendrier de mise en place pouvons-nous imaginer ?

La stratégie bas carbone publiée par le gouvernement a posé un jalon fort pour 2025. L’article de BFM souligne l’importance de l’effort que les ménages doivent fournir pour baisser leur consommation énergétique :

Pour atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050, les experts estiment que l’empreinte carbone d’un Français ne devrait pas dépasser l’équivalent de 2 tonnes de CO2 par an. Elle est aujourd’hui estimée en moyenne à 9 tonnes, selon les dernières données pré-Covid du ministère de la Transition énergétique. »

Le Français est condamné à disparaître – famine, pénurie, puis élimination physique pure et simple ; tout cela pour sauver la planète et le climat.

Eric ajoute implacable :

« Autrement dit, il faudrait diviser la production des ménages par 4,5 pour tenir les objectifs… On mesure ici l’ampleur du désastre, et on peut penser que Macron compte fortement sur le renchérissement des prix, présenté comme une conséquence de la guerre en Ukraine, pour faire accepter les efforts. »

L’effondrement de la consommation de carbone sera comme dit H16 l’effondrement de nous-mêmes, l’effacement de l’espèce voulu par des élites psychopathes obéissant à un agenda évidemment satanique, la destruction de l’homme important plus à Satan que celle de Dieu contre qui il ne peut rien. Il a eu l’âme et l’esprit (voir mon texte sur Rudolf Steiner et les vaccins), il veut le corps maintenant avec la dévitalisation des organismes (vaccin, sous-alimentation, immobilisation, prostration chimique et télégénique, contrôle numérique forcené, etc.).

Les génies comme Goethe (voyez mes textes) avaient vu cela venir :

« — Notre population des campagnes, en effet, répondit Goethe, s’est toujours conservée vigoureuse, et il faut espérer que pendant longtemps encore elle sera en état non-seulement de nous fournir de solides cavaliers, mais aussi de nous préserver d’une chute et d’une décadence absolues. Elle est comme un dépôt où viennent sans cesse se refaire et se retremper les forces alanguies de l’humanité. Mais allez dans nos grandes villes, et vous aurez une autre impression. Causez avec un nouveau Diable boiteux, ou liez-vous avec un médecin ayant une clientèle considérable, il vous racontera tout bas des histoires qui vous feront tressaillir en vous montrant de quelles misères, de quelles infirmités souffrent la nature humaine et la société. »

Ajoutons que le G20, autre symbole de ce « démon des organisations » occidental, va imposer les passes sanitaires pour lutter contre les épidémies qui seront conçues et gérées par Bill Gates et ses acolytes.

Mais comme dit l’autre, on va se révolter… Ce ne seront pas « tous les gars du monde » de Paul Fort mais tous les gouvernements qui s’y mettront pour anéantir leur troupeau électoral cocu, désireux de sauver le climat. Aux dynamiques/éveillés de s’en sortir. Le reste finira comme dans Soleil vert.

Sources :

https://lecourrierdesstrateges.fr/2022/11/15/bfm-sonde-lo...

https://reseauinternational.net/de-la-montee-de-la-flemme...

https://twitter.com/f_philippot/status/1592834204798423041

https://lecourrierdesstrateges.fr/2022/07/12/lecon-libert...

https://h16free.com/2022/11/14/72682-le-suicide-par-ecolo...

https://myessentielles.fr/culte-des-vaccins-et-declin-de-...

https://lesakerfrancophone.fr/mon-nom-est-legion-locciden...

http://www.cultivonsnous.fr/si-tous-les-gars-du-monde/

 

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mercredi, 09 novembre 2022

Mort au QI trop faible : Aldous Huxley et le nouveau principe d’Archimède

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Mort au QI trop faible : Aldous Huxley et le nouveau principe d’Archimède

Nicolas Bonnal

On sait que l’on doit liquider le mangeur inutile ou le sous-doué en informatique - qui peut être milliardaire, auquel cas Malthus et ses lieutenants l’épargneront.

Huxley est, comme on sait, un prophète noir britannique qui a décrit et célébré (et non dénoncé, comme on croit à l’école) le cauchemar que nous allons vivre grâce aux gouvernements achetés et aux populations hébétées. Auteur d’une œuvre littéraire assez médiocre aussi, cet essayiste scientifique proche d’Harari à sa manière a annoncé la couleur (douleur) dans une nouvelle nommée Le Jeune Archimède que l’on pourrait résumer ici ainsi : si tu n’es pas Mozart ou Einstein, crève. Pierre Bourdieu avait parlé pendant les crises des années 90 de ce racisme de l’intelligence, racisme qui a depuis gagné le cerveau de crétins comme notre ministre de l’économie.

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Le narrateur séjourne en Italie repère un enfant surdoué (Harari sort aussi de ces écoles) ; et cela donne les réflexions suivantes :

« J'ai pensé aux grandes différences entre les êtres humains. On classe les hommes selon la couleur de leurs yeux et de leurs cheveux, la forme de leur crâne. Ne serait-il pas plus judicieux de les diviser en espèces intellectuelles? Il y aurait des fossés encore plus larges entre les types mentaux extrêmes qu'entre un Bochiman et un Scandinave. Cet enfant, pensais-je, quand il sera grand, sera pour moi, intellectuellement, ce qu'un homme est pour un chien. Et il y a d'autres hommes et femmes qui sont, peut-être, presque comme des chiens pour moi. »

Donc il y a « les chiens et les Boshiman » qui, à côté de Bill Gates ou d’Harari, ne méritent pas de vivre (quand on voit comment Gates et Harari parlent ou écrivent l’anglais, on croit rire – mais passons). On continue; seul le génie a droit à l’être et à l’âme :

« Peut-être que les hommes de génie sont les seuls vrais hommes. Dans toute l'histoire de la race, il n'y a eu que quelques milliers d'hommes réels. Et nous autres, que sommes-nous ? Animaux enseignables. Sans l'aide des vrais hommes, nous n'aurions presque rien découvert du tout. Presque toutes les idées qui nous sont familières n'auraient jamais pu venir à des esprits comme le nôtre. Plantez les graines là-bas et elles pousseront ; mais nos esprits n'auraient jamais pu les générer spontanément. »

Vaste prison de médiocres, l’humanité doit son salut à une élite de cerveaux depuis réfugiés à Davos (lieu comme on sait de la Montagne magique de Mann – livre à relire pour comprendre ce qui arrive à l’Europe). Le reste ce sont des chiens, des kleb comme on disait chez moi à La Goulette :

« Il y a eu des nations entières de chiens, pensais-je ; des époques entières où aucun Homme n'est né. Des Égyptiens ternes, les Grecs ont pris une expérience grossière et des règles empiriques et ont fait des sciences. Plus de mille ans se sont écoulés avant qu'Archimède ait un successeur comparable. Il n'y a eu qu'un seul Bouddha, un seul Jésus, un seul Bach à notre connaissance, un seul Michel-Ange ».

Huxley pleure la rareté des génies :

« Est-ce par hasard, me demandais-je, qu'un Homme naît de temps en temps? Qu'est-ce qui fait qu'une constellation entière d'entre eux naissent en même temps et sont issus d'un seul peuple? Taine pensait que Léonard, Michel-Ange et Raphaël étaient nés quand ils étaient parce que le temps était venu pour les grands peintres et la scène italienne sympathique. Dans la bouche d'un Français rationaliste du XIXe siècle, la doctrine est étrangement mystique ; cela n'en est peut-être pas moins vrai. Mais qu'en est-il de ceux qui sont nés hors du temps ? Blake, par exemple. Qu'en est-il de ceux-là ? ».

Huxley passe ensuite aux généralités sur les enfants surdoués ; on croirait lire Rémy Chauvin que j’ai interviewé en 1992 – mais sur d’autres sujets plus amusants.

« Je pensais à cet étrange talent distinct et séparé du reste de l'esprit, indépendant, presque, de l'expérience. Les enfants prodiges typiques sont musicaux et mathématiques ; les autres talents mûrissent lentement sous l'influence de l'expérience émotionnelle et de la croissance. Jusqu'à trente ans, Balzac ne fit preuve que d'incompétence ; mais à quatre ans, le jeune Mozart était déjà musicien, et certaines des œuvres les plus brillantes de Pascal ont été réalisées avant qu'il ne soit sorti de son adolescence. »

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Huxley devient éducateur de son enfant de chômeur :

« Dans les semaines qui ont suivi, j'ai alterné les cours quotidiens de piano avec des cours de mathématiques. Des conseils plutôt que des leçons qu'ils étaient; car je ne faisais que des suggestions, indiquais des méthodes, et laissais à l'enfant le soin d'élaborer les idées en détail. Ainsi je l'initiai à l'algèbre en lui montrant une autre preuve du théorème de Pythagore. »

Il ne s’agit pas ici de contester l’enfance surdouée ou les Mozart : ils sont passés où d’ailleurs mon cher Huxley ? Et les Bruckner, et les Berlioz et les Mahler ? Ont-ils été trop vaccinés, comme le redoutait Rudolf Steiner  (voir mon texte) ? Peut-on citer un seul compositeur, romancier ou même cinéaste de ce siècle de désastres ?

« Guido était aussi enchanté par les rudiments de l'algèbre qu'il l'aurait été si je lui avais donné une machine fonctionnant à la vapeur, avec une lampe à alcool méthylique pour chauffer la chaudière ; plus enchanté, peut-être, car le moteur se serait cassé, et, restant toujours lui-même, aurait de toute façon perdu de son charme, tandis que les rudiments d'algèbre continuaient de croître et de fleurir dans son esprit avec une luxuriance indéfectible. Chaque jour, il faisait la découverte de quelque chose qui lui paraissait d'une beauté exquise ; le nouveau jouet était inépuisable dans ses potentialités. »

Après évidemment le génie prend son air fatigué. Pensez à la gueule de Mathusalem de Bill Gates ou de golem raté de Schwab-Hariri. Fatigué de notre misère notre génie prend froid et meurt jeune :

« C'était un été exceptionnellement chaud. Au début de juillet, notre petit Robin, peu habitué à ces températures élevées, commença à avoir l'air pâle et fatigué ; il était apathique, avait perdu l'appétit et l'énergie. Le médecin a conseillé l'air de la montagne. Nous avons décidé de passer les dix ou douze prochaines semaines en Suisse. »

Ah, la Suisse, son pognon, ses montagnes magiques, ses coffres et son Davos ! Dostoïevski en a peur d’ailleurs. C’est dans l’Idiot (sic). On y reviendra.

Sources :

http://www.naturalthinker.net/trl/texts/Huxley,Aldous/Ald...

https://fr.wikipedia.org/wiki/Sur_la_t%C3%A9l%C3%A9vision

https://www.amazon.fr/Petits-%C3%A9crits-libertariens-Con...

 

dimanche, 06 novembre 2022

De notre devenir termite via Davos, Sunak et Harari

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De notre devenir termite via Davos, Sunak et Harari

Nicolas Bonnal

« Ils sont très rares, les termites qui osent braver la lumière du jour (Maeterlinck). »

Mon ami Vincent Held a publié un passionnant texte sur l’arrivée au pouvoir de Charles et de Sunak, lequel va faire de l’Angleterre un paradis artificiel et dystopique qui n’aura (qui n’a déjà) rien à envier à Orwell et à Huxley. Contrôle et dépopulation sont au programme comme ailleurs dans le monde éclairé des Occidentaux. Il est vrai que sur ce point Chinois et Indiens d’Inde ne nous ont pas attendu. Voyez les livres d’Alain Daniélou (sur l’Inde) et de Balazs (Chine) pour comprendre comment ces énormes pays gèrent d’une manière terroriste (pardon, traditionnelle) depuis des millénaires leur population pléthorique. Balazs est obsédé par le thème des eunuques qui dirigent les empires : voyez mon texte.

Harari s’est fendu en 2018 (voir The Atlantic) d’un texte expliquant (et comme il raison !) que l’informatique n’est pas compatible avec la démocratie mais avec la tyrannie. Ils ont donc dix à vingt ans pour dépeupler une terre préalablement abrutie et soumise par le « Tittytainment » de l’autre – dont fait partie le cirque politique, notamment populiste. Je rappelle avec Mgr Gaume (voyez aussi mes textes) que l’ubiquité et la rapidité sont les deux caractères du démon. La technologie a rendu imparable tous ses maléfices – ce que je constatais dans mon Internet nouvelle voie initiatique - titre ironique et pas compris comme tel, y compris alors par le Chroniqueur du Monde – voir lien.

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Mais je laisse ces circonstances connues de tous (i.e. des rares esprits libres éclairés : 1% ; 4% de la population ?) et j’en viens aux termites et au livre de Maeterlinck, l’auteur de Pelléas et Mélisande, qui semble avoir joué un rôle sinistre (avec son Oiseau bleu notamment) dans l’avènement d’un certain méphitisme littéraire. Tolstoï l’exécute dans son livre sur l’Art – et comme il a raison !

Les livres de Maeterlinck sur fourmis et termites m’ont été recommandés par mon ami américain Guido Preparata, auteur de « Comment les USA et l’Angleterre ont fabriqué le troisième Reich »… Comme on sait ils nous ont refait le coup ! Guido me disait que la société termite leur servait de modèle. On va voir comment donc via Maeterlinck.

Liquidation des mâles tout d’abord ; Maeterlinck rappelle cette bonne habitude des abeilles (tous les extraits viennent de son livre sur les termites) :

« Dans la ruche, nous le savons, la femelle règne seule : c’est le matriarcat absolu. À une époque préhistorique, soit par révolution, soit par évolution, les mâles ont été relégués à l’arrière-plan et quelques centaines d’entre eux sont simplement tolérés durant un certain temps comme un mal onéreux mais inévitable. Sortis d’un œuf semblable à ceux dont naissent les ouvrières, mais non fécondé, ils forment une caste de princes fainéants, goulus, turbulents, jouisseurs, sensuels, encombrants, imbéciles et manifestement méprisés. »

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La liquidation du machisme au sens strict (le machisme c’est le sexe masculin) est à l’ordre du jour.

« Après les vols nuptiaux, leur mission accomplie, ils sont massacrés sans gloire, car les vierges prudentes et impitoyables ne daignent pas tirer contre une telle engeance le poignard précieux et fragile réservé aux grands ennemis. Elles se contentent de leur arracher une aile et les jettent à la porte de la ruche où ils meurent de froid et de faim. »

Dans la termitière (penser à un couloir de métro ou de RER, à un aéroport…), on abolit les sexes nument :

« Dans la termitière une castration volontaire remplace le matriarcat. Les ouvriers sont ou mâles ou femelles, mais leur sexe est complètement atrophié et à peine différencié. »

Comme dans cette salle catalane où Zuckerberg déambulait au milieu d’aveugles, tout le monde est frappé de cécité – une cécité qui n’est pas celle de l’aède Homère :

« Ils sont totalement aveugles, n’ont pas d’armes, n’ont pas d’ailes. Seuls ils sont chargés de la récolte, de l’élaboration et de la digestion de la cellulose et nourrissent tous les autres habitants. »

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Il y a beaucoup de mangeurs inutiles dans cette termitière – et surtout beaucoup de gens qui ne savent pas se nourrir et sont donc aisément liquidables à la première bise venue, comme dirait le fabuliste :

« Hors eux, aucun de ces habitants, que ce soit le roi, la reine, les guerriers ou ces étranges substituts et ces adultes ailés dont nous reparlerons, n’est capable de profiter des vivres qui se trouvent à sa portée. Ils mourraient de faim sur le plus magnifique tas de cellulose, les uns, comme les guerriers, parce que leurs mandibules sont tellement monstrueuses qu’elles rendent la bouche inaccessible, les autres, comme le roi, la reine, les adultes ailés qui quittent le nid et les individus mis en réserve ou en observation pour remplacer au besoin les souverains morts ou insuffisants, parce qu’ils n’ont pas de protozoaires dans l’intestin. »

Il y a donc des administrateurs et des livreurs Amazon (si j’ose dire) de nourriture :

« Les travailleurs seuls savent manger et digérer. Ils sont en quelque sorte l’estomac et le ventre collectifs de la population. Quand un termite, à quelque classe qu’il appartienne, a faim, il donne un coup d’antenne à l’ouvrier qui passe. »

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Certains se flattent d’être autonomes et de jardiner, qui oublient que quand le pouvoir en Occident passera en mode turbo-malthusien plus personne n’aura le droit de jardiner ou d’arroser son jardin : même « le bon musulman » de Candide sera attrapé. Je sais, on réagira…

Comme dans le système des castes ou la cité platonicienne, on a ses guerriers-gardiens (les phulakes de Platon) ou ses kshatriyas :

« Il a donc, afin d’assurer la défense de ses citadelles, fait sortir d’œufs en tout semblables à ceux dont naissent les travailleurs, car même au microscope on ne découvre aucune différence, une caste de monstres échappés d’un cauchemar et qui rappellent les plus fantastiques diableries de Hiéronymus Bosch, de Breughel-le-Vieux et de Callot. »

Le surarmement fait du petit insecte un cyborg menaçant – menaçant mais fragile :

« Tout l’insecte n’est qu’un bouclier de corne et une paire de tenailles-cisailles, semblables à celles des homards, actionnées par des muscles puissants ; et ces tenailles aussi dures que l’acier sont si lourdes, et tellement encombrantes et disproportionnées, que celui qui en est accablé est incapable de manger et doit être nourri à la becquée par les travailleurs. »

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Poursuivons notre analogie. Chez les termites aussi on a VACCINS ET INJECTIONS destinés à dépeupler :

« Une famille de termites, les Eutermes, a des soldats qui sont encore plus fantastiques, on les appelle nasutés, nasicornes ou termites à trompe ou à seringue. Ils ne possèdent pas de mandibules et leur tête est remplacée par un appareil énorme et bizarre qui ressemble exactement aux poires à injections que vendent les pharmaciens ou les marchands d’objets en caoutchouc et qui est aussi volumineuse que le reste de leur corps. À l’aide de cette poire, ou de cette ampoule cervicale, au jugé, étant dépourvus d’yeux, ils projettent sur leurs adversaires, à deux centimètres de distance, un liquide gluant qui les paralyse et que la fourmi, l’ennemi millénaire, redoute beaucoup plus que les mandibules des autres soldats. »

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La cécité (comme je dis, elle n’est pas homérique, plutôt platonicienne), reste essentielle :

« Les soldats des autres espèces ne quittent jamais la forteresse qu’ils sont chargés de défendre. Ils y sont retenus par une cécité totale. Le génie de l’espèce a trouvé ce moyen pratique et radical de les fixer à leur poste. Au surplus, ils n’ont d’efficace qu’à leurs créneaux et lorsqu’ils peuvent faire front. Qu’on les tourne, les voilà perdus, le buste seul est armé et cuirassé et l’arrière-train, mou comme un ver, est offert à toutes les morsures. »

Quand une bouche inutile n’est plus utile (sic), on cesse de la nourrir (c’est à croire que Maeterlinck est le livre de chevet de Klaus à Davos) :

« Ils ne sont pas massacrés comme les mâles des abeilles ; cent ouvriers ne viendraient pas à bout d’un de ces monstres qui ne sont vulnérables qu’à l’arrière-train. Tout simplement on ne leur donne plus la becquée et, incapables de manger, ils meurent de faim. »

Maeterlinck écrit à l’ère où les derniers grands écrivains découvrent les conspirations et les traitent, de Chesterton à Jack London, ou de Buchan à Dostoïevski ; et cela donne une allusion étonnante à une puissance occulte qui rappelle celle de Bernays :

« Mais comment la puissance occulte s’y prend-elle pour compter, désigner ou parquer ceux qu’elle a condamnés ? C’est une des mille questions qui jaillissent de la termitière et restent jusqu’ici sans réponse. »

Passons au Tittytainment. On a tous (enfin, presque) été effarés dans notre jeunesse par la civilisation de la discothèque et des Rave parties. Mais les termites les connaissent :

« N’oublions pas, avant de clore ces chapitres consacrés aux milices de la ville sans lumière, de mentionner d’assez bizarres aptitudes plus ou moins musicales qu’elles manifestent fréquemment. Elles paraissent être, en effet, sinon les mélomanes, du moins ce que les « futuristes » appelleraient les « bruiteuses » de la colonie. Ces bruits qui sont tantôt un signal d’alarme, un appel à l’aide, une sorte de lamentation, des crépitements divers, presque toujours rythmés, auxquels répondent des murmures de la foule, font croire à plusieurs entomologistes qu’ils communiquent entre eux, non seulement par les antennes, comme les fourmis, mais encore à l’aide d’un langage plus ou moins articulé. »

Et Maeterlinck poursuit :

« C’est une sorte de danse convulsive où, sur les tarses immobiles, le corps agité de tremblements se balance d’avant en arrière avec une légère oscillation latérale. Elle se prolonge durant des heures, coupée de courts intervalles de repos. Elle précède notamment le vol nuptial et prélude comme une prière ou une cérémonie sacrée au plus grand sacrifice que la nation puisse s’imposer. Fritz Müller, en cette occurrence, y voit ce qu’il appelle les « Love Passages ». »

Terminons par une note humoristique – surtout pour les Français :

« Le roi, sorte de prince consort, est minable, petit, chétif, timide, furtif, toujours caché sous la reine… »

Sources :

https://ebooks-bnr.com/maeterlinck-maurice-la-vie-des-ter...

https://lilianeheldkhawam.com/2022/11/03/lindustrie-de-la...

https://www.theatlantic.com/magazine/archive/2018/10/yuva...

https://lesakerfrancophone.fr/monseigneur-gaume-et-le-car...

https://reseauinternational.net/observations-sur-le-deven...

https://www.amazon.fr/Petits-%C3%A9crits-libertariens-Con...

https://www.lemonde.fr/archives/article/2000/09/29/demons...

 

 

 

 

lundi, 31 octobre 2022

Hiver russe : Ségur et les leçons de la froide retraite de Russie

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Hiver russe : Ségur et les leçons de la froide retraite de Russie

par Nicolas Bonnal

Comme on le sait, l’hiver approche. Les imbéciles du changement climatique n’avaient pas prévu un mois d’octobre doux. Les choses sérieuses vont commencer en novembre comme en 1812. Occasion de relire l’époustouflante, lyrique et épique Retraite de Russie de Philippe de Ségur. Il est amusant de constater que si la Russie symbolise l’hiver, elle signifiait aussi l’énergie, le chauffage et la propreté. Mais on préfère crever sur ordre de Washington et de Bruxelles, de Davos et des néocons. On verra si le Diesel, comme les vivres de la cigale, viendra à manquer aussi. Fin des bagnoles ! Comme dit Ursula : envoyez la facture à Poutine !

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On continue avec Ségur. On quitte Moscou avec un empereur aux abois et la bise frappe début novembre :

« Mais le 6 novembre, le ciel se déclare. Son azur disparaît. L'armée marche enveloppée de vapeurs froides. Ces vapeurs s'épaississent: bientôt c'est un nuage immense qui s'abaisse et fond sur elle, en gros flocons de neige. Il semble que le ciel descende et se joigne à cette terre et à ces peuples ennemis, pour achever notre perte. Tout alors est confondu et méconnaissable: les objets changent d'aspect; on marche sans savoir où l'on est, sans apercevoir son but, tout devient obstacle. Pendant que le soldat s'efforce pour se faire jour au travers de ces tourbillons de vents et de frimas, les flocons de neige, poussés par la tempête, s'amoncellent et s'arrêtent dans toutes les cavités; leur surface cache des profondeurs inconnues, qui s'ouvrent perfidement sous nos pas. Là, le soldat s'engouffre, et les plus faibles s'abandonnant y restent ensevelis. »

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Beau texte halluciné si étrangement absent de nos livres scolaires. Le froid arrive donc et attaque individu par individu, molécule par molécule :

« Ceux qui suivent se détournent, mais la tourmente fouette dans leurs visages la neige du ciel et celle qu'elle enlève à la terre; elle semble vouloir avec acharnement s'opposer à leur marche. L'hiver moscovite, sous cette nouvelle forme, les attaque de toutes parts: il pénètre au travers de leurs légers vêtements et de leur chaussure déchirée. Leurs habits mouillés se gèlent sur eux; cette enveloppe de glace saisit leurs corps et roidit tous leurs membres. Un vent aigre et violent coupe leur respiration; il s'en empare au moment où ils l'exhalent et en forme des glaçons qui pendent par leur barbe autour de leur bouche. »

Après une observation géniale : l’individu va perdre ses moyens intellectuels et psychologiques. Pensez à ce qui va se passer cet hiver (ou l’hiver prochain : Schwab et Hariri ne s’arrêteront pas en si bon chemin – et nos gouvernements génocidaires, Meloni compris, non plus), quand nos tarés de zélés électeurs et consommateurs russophobes vont achever d’être décérébrés par le froid et la faim :

« Ce fut ainsi que, depuis ce déluge de neige et le redoublement de froid qu'il annonçait, chacun, chef comme soldat, conserva ou perdit sa force d'esprit, suivant son caractère, son âge et son tempérament. Celui de nos chefs que jusque-là on avait vu le plus rigoureux pour le maintien de la discipline, ne se trouva plus l'homme de la circonstance. Jeté hors de toutes ses idées arrêtées de régularité, d'ordre et de méthode, il fut saisi de désespoir à la vue d'un désordre si général, et, jugeant avant les autres tout perdu, il se sentit lui-même prêt à tout abandonner. »

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C’est l’acédie, ce désespoir monastique, physique et spirituel, dont j’ai parlé dans mon recueil sur Cassien et la sagesse chrétienne.

La Grande Armée n’est pas au bout de ses peines :

« Cependant, l'entassement des cadavres dans les maisons, les cours et les jardins, et leurs exhalaisons morbidiques, empestaient l'air. Les morts tuaient les vivants. Les employés, comme beaucoup de militaires, avaient été atteints: les uns étaient devenus comme imbéciles; ils pleuraient, ou fixaient la terre d'un œil hagard et opiniâtre. Il y en avait eu dont les cheveux s'étaient roidis, dressés et tordus en cordes; puis, au milieu d'un torrent de blasphèmes, d'une horrible convulsion, ou d'un rire encore plus affreux, ils étaient tombés morts. »

Alternons avec les opérations militaires (on a une énième guerre Occident-Russie sur les bras). Napoléon va être sauvé par l’inertie et la prudence russe, explique Ségur :

« Aussi est-ce là qu'on a bien vu que la renommée n'est point une ombre vaine, que c'est une force réelle et doublement puissante par l'inflexible fierté qu'elle porte à ses favoris, et par les timides précautions qu'elle suggère à ceux qui osent l'attaquer. Les Russes n'avaient qu'à marcher en avant, sans manœuvres, sans feux même; leur masse suffisait, ils en eussent écrasé Napoléon et sa faible troupe: mais ils n'osèrent l'aborder! L'aspect du conquérant de l'Égypte et de l'Europe leur imposa. Les pyramides, Marengo, Austerlitz, Friedland, une armée de victoires, semblèrent s'élever entre lui et tous ces Russes: on eût pu croire que, pour ces peuples soumis et superstitieux, une renommée si extraordinaire avait quelque chose de surnaturel… »

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De temps en temps aussi un acte de bravoure rappelle qui est cette Grande Armée :

« Ce fait, et le malheur de la division Partouneaux, expliquent l'effrayante réduction du corps de Victor, et cependant ce maréchal contint Wittgenstein pendant toute cette journée du 28. Pour Tchitchakof, il fut battu. Le maréchal Ney et ses huit mille Français, Suisses et Polonais, suffirent contre vingt-sept mille Russes. »

Les russes ne supportent pas mieux l’hiver que les Européens : et pourquoi le supporteraient-ils ? Dostoïevski ne cesse de se plaindre de ces Européens qui ne se chauffent déjà pas !

« L'hiver, ce terrible allié des Moscovites, leur avait vendu cher son secours. Leur désordre poursuivait notre désordre. Nous revîmes des prisonniers, qui, plusieurs fois, avaient échappé à leurs mains et à leurs regards glacés. Ils avaient d'abord marché au milieu de leur colonne traînante, sans en être remarqués. Il y en eut alors qui, saisissant un moment favorable, osèrent attaquer des soldats russes isolés, et leur arracher leurs vivres, leurs uniformes, et jusqu'à leurs armes, dont ils se couvrirent. Sous ce déguisement ils se mêlèrent à leurs vainqueurs; et telle était la désorganisation, la stupide insouciance et l'engourdissement où cette armée était tombée, que ces prisonniers marchèrent un mois entier au milieu d'elle sans en être reconnus. Les cent vingt mille hommes de Koutouzov étaient alors réduits à trente-cinq mille. »

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On a 80% de pertes de part et d’autre. Je rappelle qu’on est encore en automne. Ségur ajoute :

« Des cinquante mille Russes de Wittgenstein, il en restait à peine quinze mille. Vilson assure que sur un renfort de dix mille hommes, partis de l'intérieur de la Russie avec toutes les précautions qu'ils savent prendre contre l'hiver, il n'en arriva à Wilna que dix-sept cents. Mais une tête de colonne suffisait contre nos soldats désarmés. Ney chercha vainement à en rallier quelques-uns, et lui, qui jusque-là avait commandé presque seul à la déroute, fut obligé de la suivre. »

Mais on n’a rien vu. La Saint-Nicolas arrive (calendrier grégorien) et voici ce que cela donne :

« Le 6 décembre, le jour même qui suivit le départ de Napoléon, le ciel se montra plus terrible encore. On vit flotter dans l'air des molécules glacées; les oiseaux tombèrent roidis et gelés. L'atmosphère était immobile et muette: il semblait que tout ce qu'il y avait de mouvement et de vie dans la nature, que le vent même fût atteint, enchaîné, et comme glacé par une mort universelle. Alors plus de paroles, aucun murmure, un morne silence, celui du désespoir et les larmes qui l'annoncent. »

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Les soldats prient, tombent et meurent. Il fait moins 28 :

« On s'écoulait dans cet empire de la mort comme des ombres malheureuses. Le bruit sourd et monotone de nos pas, le craquement de la neige, et les faibles gémissements des mourants interrompaient seuls cette vaste et lugubre taciturnité. Alors plus de colère ni d'imprécations, rien de ce qui suppose un reste de chaleur: à peine la force de prier restait-elle; la plupart tombaient même sans se plaindre, soit faiblesse ou résignation, soit qu'on ne se plaigne que lorsqu'on espère attendrir, et qu'on croit être plaint. »

Après on entre dans une ambiance à la Tolkien (le paysage hostile du début des Deux tours) ou à la John Ford (le nuage de poussière et les géniaux indiens de Cochise lors de l’attaque finale de Fort Apache) :

« Ceux de nos soldats jusque-là les plus persévérants se rebutèrent. Tantôt la neige s'ouvrait sous leurs pieds, plus souvent sa surface miroitée, ne leur offrant aucun appui, ils glissaient à chaque pas et marchaient de chute en chute; il semblait que ce sol ennemi refusât de les porter, qu'il s'échappât sous leurs efforts, qu'il leur tendît des embûches comme pour embarrasser, pour retarder leur marche, et les livrer aux Russes qui les poursuivaient, ou à leur terrible climat. »

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Napoléon est là mais les gens (il n’y a plus de soldats) sont trop abrutis par le froid pour réagir ; lisez bien car c’est ce qui va se passer cet hiver :

« Napoléon venait d'y arriver au milieu d'une foule de mourants, dévoré de chagrin, mais ne laissant percer aucune émotion à la vue des souffrances de ces malheureux, qui, de leur côté, ne lui faisaient entendre aucun murmure. Il est vrai qu'une sédition était impossible; c'eût été un effort de plus, et toutes les forces de chacun étaient employées à combattre la faim, le froid et la fatigue: il eût d'ailleurs fallu de l'ensemble, s'accorder, s'entendre, et la famine, et tant de fléaux séparaient et isolaient, en concentrant chacun tout entier en lui-même. Bien loin de s'épuiser en provocations, en plaintes même, on marchait silencieux, réservant tous ses moyens contre une nature ennemie, distraits de toute autre idée par une action, par une souffrance continuelle. Les besoins physiques absorbaient toutes les forces morales; on vivait ainsi machinalement dans ses sensations, restant soumis encore par souvenir, par suite d'impressions reçues dans un meilleur temps, et beaucoup par un honneur, par un amour de gloire exalté par vingt ans de triomphes, et dont la chaleur survivait et combattait encore. »

Sédition impossible et vie machinale. Retenez cela pour janvier ou février. Ce sera moins mortel que cette retraite mais ce sera pas mal quand même.

Un dernier mot sur les russes accablés aussi par le froid et prostrés comme les Français et leurs troupes européennes :

« Mais alors ce fut elle, sans doute, qui frappa Kutusof d'inertie. À leur extrême surprise, ils ont vu ce Fabius russe, outré comme l'imitation, s'obstinant dans ce qu'il appelait son humanité, sa prudence, rester sur ses hauteurs avec ses vertus pompeuses, sans se laisser, sans oser vaincre, et comme étonné de sa supériorité. Il voyait Napoléon vaincu par sa témérité, et il fuyait ce défaut jusqu'au vice contraire.

Il ne fallait pourtant qu'un emportement d'indignation d'un seul des corps russes pour en finir; mais tous ont craint de faire un mouvement décisif: ils sont restés attachés à leur glèbe avec une immobilité d'esclaves, comme s'ils n'avaient eu d'audace que dans leur consigne, et d'énergie que leur obéissance. Cette discipline, qui fit leur gloire dans leur retraite, a fait leur honte dans la nôtre. »

On ne sait pas jusqu’où les Européens suivront l’esclavagisme thermique, énergétique, numérique et militaire de Bruxelles et de BlackRock. La plaisanterie peut encore durer : car en 1812 on n’en avait pas terminé avec cet empire français dont on nous rebat les oreilles. Et j’en reviens à ma phrase préférée de Nietzsche, au moins dans la Volonté de puissance : « chez le petit peuple l’appétit vient en mangeant. » Il suffit donc de le lui couper pour qu’il se soumette encore un peu plus.

Terminons sur une note positive : Ségur survécut et mourut à 92 ans retraité des Chemins de Fer...

Sources:

Philippe de Ségur –La retraite de de Russie (Gutenberg.org)

Nicolas Bonnal -Dostoïevski et la modernité occidentale - Tolkien le dernier gardien – Chroniques sur la Fin de l’Histoire - Les grands westerns américains (Dualpha/Avatar/Amazon.fr)

 

 

samedi, 29 octobre 2022

Comment les USA auraient pu ne jamais exister  - et demeurer anglais

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Comment les USA auraient pu ne jamais exister  - et demeurer anglais

Nicolas Bonnal

Un article d’Adam Gopnik dans The New Yorker avait mis en rage en 2017 les énergumènes de Prisonplanet.com. Il ne faisait pourtant que reprendre à sa manière gauchiste les arguments des libertariens et de quelques traditionalistes sur une question importante : l’existence-même des USA, pays qui tyrannise et menace la planète par sa technologie, son dollar et ses armées toujours en guerre.

Nous aurions pu être le Canada. We could have been Canada.

On n’avait donc pas besoin de faire une guerre d’indépendance cruelle et dangereuse contre l’Angleterre. L’Amérique aurait été moins peuplée, serait restée un dominion tranquille comme le Canada et l’Australie, et l’Angleterre aurait continué de trôner pragmatiquement sur le monde. L’Allemagne n’aurait bien sûr pas osé la défier, et nous n’aurions pas connu les horreurs mondiales de nos guerres germano-britanniques.

Gopnik ajoute qu’on aurait aboli l’esclavage sans passer par cette folle et sanglante guerre de Sécession. C’est une évidence : l’Angleterre a aboli pacifiquement dans la foulée de sa révolution industrielle l’esclavage dans toutes ses colonies. Je pense aussi qu’il y aurait eu une immigration anglo-irlandaise dans ce grand pays, et cela aurait été mieux. Je suis arrivé à cette conclusion en lisant Poe, Melville, Kipling, Grant, Stoddard, Ross et quelques dizaines d’autres.

Thomas di Lorenzo dans son livre sur Lincoln a révélé le personnage que c’était. Un radical, un whig, comme ceux qui voulaient la révolution de 1776 aux relents Illuminati. J’ai souligné dans un texte précédent que Lincoln dénonce d’un côté la barbarie de la populace américaine (crimes racistes, lynchages, pendaisons ; comparez au Canada) et cette adoration de la loi qui confine aujourd’hui au totalitarisme, avec 42 % de la population carcérale mondiale.

La nation indispensable de Biden-Obama (qui vient de palper 3.2 millions pour pérorer en jet sur l’effet de serre) n’aurait pas détruit ou défiguré la moitié du monde et l’Asie, et n’aurait pas hypocritement géré la question noire après l’esclavage (un million de jeunes noirs tués en trente ans là-bas), n’aurait pas détruit la culture européenne et même mondiale par sa sous-culture déracinée. Elle ne serait pas en train de nous préparer à une guerre d’extermination contre la Russie pour satisfaire son ego.

Oui, je pense aussi que l’on pouvait se passer de l’Amérique et que la France aurait pu garder la Louisiane, l’Espagne la Californie et la Russie l’Alaska. La destruction de la planète par l’Américanisme depuis deux-cent-quarante ans maintenant est certainement la plus grande catastrophe eschatologique de l’histoire du monde. Ajoutez que si nous n’avions pas aidé cette anti-nation à chasser les gentlemen anglais, nous n’aurions pas connu la révolution et son cortège de catastrophes. Il est vrai qu’il y en a que cela motive. Je n’ai jamais pu supporter La Fayette.

Sources :

« We could have been Canada » – The New Yorker – 15 mai 2017

Samuel Johnson – The patriot (1774)

Nicolas Bonnal – La culture comme arme de destruction massive (Amazon_Kindle)

https://www.newyorker.com/magazine/2017/05/15/we-could-have-been-canada

 

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samedi, 22 octobre 2022

Dirigeants incompétents pour peuples débiles: l’exception occidentale

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Dirigeants incompétents pour peuples débiles: l’exception occidentale

par Nicolas Bonnal

Un article de Ria.ru soulignait que le danger occidental (l’occident menace le monde, la paix dans le monde, et via l’écologie et le Reset la survie de ses propres populations) ne prenait pas sa source tant dans les faucons occidentaux, ou chez les néocons si bien nommés, que dans les dirigeants incompétents de ces pays occidentaux. Cet article écrit par une femme soulignait l’incompétence et la dégradation du personnel politique y compris féminin qui aujourd’hui tient partout ou presque les rênes du pouvoir : la mort (de rire) au Truss (comme j’ai écrit un bon livre sur Hitchcock et les femmes je me permets ce mauvais  jeu de mots) passée, on attend la prochaine folie de Mère Ursula, qui ruine le continent avec sa guerre, son vaccin, sa russophobie, son écologisme, son germanisme et sa guerre qu’on espère interminable.

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L’exceptionnelle incompétence des femmes et des hommes politiques en Europe occidentale (l’Europe de l’Est avec son héritage communiste semble un peu plus sérieuse) va pouvoir se manifester avec Meloni qui telle une Marine Le Pen fera ce qu’elle pourra pour se faire bien voir par les hautes autorités morales et humanitaires et bien sûr par les marchés financiers qui bien que brinquebalants imposent ce que nous devons faire et penser pour disparaître. Vive BlackRock et l’Otan...

Grand remplacement, grand reset, féminisation et castration, neuropuçage, crétinisation et désindustrialisation tout y passera pour faire plaisir au néanderthalien Schwab qui perdu dans son bunker de Davos rêve de créer avec son troupeau de nonagénaires perturbés un monde déglingué, asexué et taré. On y est arrivé presque sans lui remarquez.

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Il faut bien reconnaître en effet que les peuples occidentaux  sont devenus débiles : la télé, la presse (elle est intolérable la presse, elle est insupportable, il semble qu’il n’y ait qu’un seul journal en occident, torchon multifacettes qui est décliné et imposé partout dans les poubelles de nos cerveaux), l’éducation, l’université, tout concourt à achever cette société euro-américaine qui n’est plus décadente au sens d’Aron (voir son plaidoyer) mais carrément dégénérée et en attente ardente d’être liquidée. Le reste du monde (Afrique, Asie, islam, etc.) devrait y échapper. On sent du reste le dégoût que le monde à Biden et Leyen inspirent partout maintenant.

https://www.youtube.com/watch?v=Lm4wdmeRhzQ

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En une ou deux générations donc (vive la conquête du cool de Thomas Frank et la fin de l’étalon-or de Nixon), l’Occident s’est désindustrialisé, couvert de dettes, féminisé, métissé, fascisé, bloqué (au sens de la société bloquée de Crozier, mais cette fois vraiment), et tout cela sans coup férir ; comme dit Jonah Goldberg dans son si bon livre le fascisme libéral s’est imposé partout, surtout à droite. La masse des neuneus a suivi le mouvement, de l’extrême-droite à l’extrême-gauche. Ce processus de crétinisation moderne des populations avait été dénoncé par Céline puis par Debord et des  italiens comme l’historien de l’économie Cipolla ou le brillant duo Fruttero-Lucentini. J’ajoute que plus on avance moins on trouve de gens pour le dénoncer : les mécontents comme nous deviennent une poignée destinée à disparaître sous les huées. Philippe Muray est mort il y a quinze ans et le niveau de la classe intello-médiatique est devenu tellement taré (en France cela relève à mon sens de l’épouvante) qu’on ne peut plus évoquer ces problèmes. La population perdue sur ses plateformes numériques et rendue vile et débile à outrance ne se rend plus compte de ce qui lui arrive. Je sais, j’exagère.

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On peut donc imposer guerre, pénurie, reset, changement de sexe, et toute la masse ou presque sera contente. Si le mouvement s’est accéléré à cause de l’informatique et la mondialisation US depuis les années 90 (lisez Bauman), on pourra trouver ses sources avant : voyez John Glubb dont j’ai déjà parlé, ou Stefan Zweig qui dénonce l’américanisation et l’uniformisation par le bas dans un merveilleux petit essai publié dans les années 1920. Car le processus est séculaire comme toujours : pensez à ce que dit Ortega Y Gasset du citoyen « tonto » (on traduit ?) du bas-empire romain.

L’écroulement matériel va arriver bientôt, cet hiver peut-être : ce sera un grand moment de Schadenfreude. Et retirons-nous l’idée que nous sommes victimes d’un complot. Nous sommes victimes de notre nullité humaine et collective. Dans maint désastre les vrais coupables ce sont les victimes.

https://www.youtube.com/watch?v=CEHxpr2l5zo&t=4s

Sources :

https://ria.ru/20221021/nekompetentnost-1825491725.html

https://strategika.fr/2021/06/12/a-la-lumiere-du-covid-st...

https://www.dedefensa.org/article/ortega-y-gasset-et-la-m...

https://lecourrierdesstrateges.fr/2022/10/06/sir-john-glu...

                                                

 

 

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lundi, 10 octobre 2022

Remarques sur Chesterton et un extraordinaire discours de Giorgia Meloni

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Remarques sur Chesterton et un extraordinaire discours de Giorgia Meloni

par Nicolas Bonnal

Giorgia Meloni au cours d’un discours extraordinaire, référencé et courageux, a attaqué les marchés financiers et a défendu l’indéfendable (pour la presse française ou autre), la famille, le pays (je préfère ce mot à patrie maintenant, la patrie on est trop morts pour elle, et pour son État, voyez mon Coq hérétique), le droit de ne pas être un numéro. On se serait cru dans le générique du Prisonnier (voyez mes textes), série conçue par l’acteur rebelle et chrétien Patrick McGoohan : « je ne suis pas un numéro, je suis un homme libre ».

Puis elle a cité Chesterton. On devra se battre pour dire que le brin d’herbe est vert à la belle saison. Quel coup de génie : en effet les vert-de-gris sont revenus avec l’écologie et veulent (cf. Peter Koenig) remplacer le vert par le brun, le tout sous la houlette des investisseurs type BlackRock-Fink et les conseillers Schwab-Harari si proches parfois des frères Marx.

41jPXLFvCyL.jpgOn connaît tous les Hérétiques de Chesterton, recueil où Chesterton exécute, au début du siècle dernier, les tenanciers anglo-saxons des hérésies modernes (à commencer par l’impérialiste Kipling) : Chesterton voit venir les végétariens avec leurs gros sabots, les « remplacistes » proches des impérialistes (Le Retour de Don Quichotte), les féministes et l’interdiction de manger de l’herbe. Dans l’Auberge volante il prévoit aussi une interdiction des ventes d’alcool sur fond de credo hostile – d’où le vol de l’auberge. Chesterton avait aussi vu le danger du salariat de masse ; dans le Club des métiers bizarres (Club of Queer trades) ce libertarien chrétien défend la possibilité d’inventer un métier qui n’existe pas – et qui rapporte. Cette intuition géniale a servi d’inspiration au grand film de David Fincher, The Game. C’est l’Agence de l’aventure et de l’inattendu.

Enfin Chesterton a aussi publié le meilleur livre historique sur la conspiration des milliardaires, à partir de l’Afrique du Sud : c’est Un nommé jeudi. Et la police lancée aux trousses de tous les Oppenheimer et Cecil Rhodes de la planète se retrouve elle-même poursuivie. On est dans le cauchemar comme nous en ce moment.

Je ne veux pas défendre Méloni : on verra si elle se couche comme tout le monde, sur un coup de fil de Londres ou de Washington. Mais ce qu’elle a dit, elle l’a dit, et on allait ici bien plus loin que Trump, que Zemmour ou que Marion Le Pen (ne parlons de la tante, qui a si bien profité de ses vacances et de ses indemnités). Et la parole qui vole – puis qui gèle, comme dit Rabelais – peut aussi dégeler.

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Le système malgré toute sa presse abjecte totalitaire, collabo et génocidaire, a du souci à se faire en cet hiver qui s’annonce glacial. Et bien joué le coup du message de Giorgia remixé dans les discothèques : avec les italiens qu’on croit toujours décadents ou au bout du rouleau, c’est exactement ce qu’il fallait faire. Transmettre un message conservateur sur fond de beuglant (comme disait Saint-Exupéry dans Terre des Hommes).

Continue Giorgia, et ne nous déçois pas.

51eiI5JrIXL.jpgJ’oubliais : dans What I saw in America, Chesterton dénonce son arrivée en Amérique après la Guerre. On contrôle tout et on ausculte tout pour savoir si le voyageur ou l’émigrant européen, devenu soudain un pestiféré, ne s’est pas fait inaugurer le virus du communisme ou de l’anarchisme. Le tout évidemment sur fond de chasse aux buveurs de bière. La Prohibition est puritaine et pas musulmane. Avec des défenseurs de la Liberté comme les Yankees qui avait rasé le Sud après la Guerre de Sécession, et qui aujourd’hui interdisent sur ordre des actionnaires sexe, famille, patriotisme ou race, Chesterton savait qu’on aurait du souci à se faire. Et dans le même opus, il voit la terrible menace féministe américaine se pointer.

Nicolas Bonnal sur Amazon.fr

samedi, 08 octobre 2022

James Fenimore Cooper et la critique de la presse américaine

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James Fenimore Cooper et la critique de la presse américaine

par Nicolas Bonnal

La critique des USA a été longtemps considérée comme l’apanage de xénophobes ou de réactionnaires ‘(elle est même criminalisée en ces temps d’agonie impériale et occidentale). En réalité elle a toujours existé dans les milieux intellectuels américains – dont les représentants les plus brillants, de Poe à Auster en passant par la génération perdue, ont toujours été en lutte contre une matrice monstrueuse faite de ploutocratie humanitaire, de racisme stratégique, de tartuferie puritaine et de militarisme impérial. Relisons James Fenimore Cooper qui dans son démocrate américain, dresse un portrait au vitriol de sa démocratie déjà très esquintée ; inutile donc de s’en prendre à Beaumont ou Baudelaire pour évoquer une pathologie antiaméricaine.

41p0+eR+twL._SL350_.jpgJe vais citer les passages sur la presse – Fenimore Cooper voit poindre le règne des tyrans médiatiques et des tireurs de ficelle :

« Il ne faut jamais oublier que la presse, en lutte pour les droits naturels mais interdits, n'est pas plus semblable à la presse lorsque ces droits sont obtenus, que l'homme aux prises avec l'adversité, et châtié par le malheur, est comme l'homme rincé de succès et corrompu par la prospérité. »

La montée en puissance de la presse est menaçante :

« L'histoire de la presse est partout la même. À ses débuts, elle est timide, méfiante et dépendante de la vérité pour réussir. A mesure qu'elle acquiert de la confiance avec force, elle propage avec énergie des opinions justes ; répandre les erreurs et promouvoir le mensonge, jusqu'à ce qu'il prévale; lorsque les abus se précipitent, confondent les principes, les vérités, et tout ce qui est estimable, jusqu'à ce qu'il devienne une question sérieuse de doute. »

Guerres, vaccin, faillite monétaire, menace nucléaire, tyrannie médicale ou politique, la presse justifie tout, cautionne tout et encourage tout. Il y a certes des périodes plus libres mais elles sont derrière nous depuis l’avènement du diktat mondialiste en occident.

Pour Cooper la presse est un tyran tout-puissant qui peut nuire tant qu’elle veut (voir la situation actuelle avec Poutine, la Chine, les populistes, etc.) ; il semble d’ailleurs que la presse est depuis toujours monolithique, qu’elle parle toujours d’une seule voix  (Cooper annonce ici Céline) :

« La liberté de la presse, en principe, ressemble à la liberté de porter les armes. Dans un cas, la constitution garantit un droit de publier ; dans l'autre, un droit de garder un mousquet ; mais celui qui blesse son voisin avec ses publications peut être puni, comme celui qui blesse son voisin avec son mousquet peut être puni. La constitution des États-Unis ne garantit même pas le droit de publier, sauf contre les lois du congrès, comme il a été dit précédemment ; la liberté réelle de la presse dépend entièrement des dispositions des gouvernements de plusieurs États, en commun avec la plupart des autres libertés et droits du citoyen. »

La presse américaine – qui va déteindre sur le reste du monde - est déjà imbécile, vulgaire et rabaisse le niveau du lectorat (Tocqueville en parle déjà aussi) :

« La presse à journaux de ce pays se distingue de celle de l'Europe dans plusieurs détails essentiels. Bien qu'il y ait plus d'impressions, elles sont généralement de caractère inférieur. Il s'ensuit que dans tout ce en quoi ils sont utiles, leur utilité est plus diffuse dans la société, et dans tout ce en quoi ils sont nuisibles, le mal qu'ils infligent est plus étendu et plus corrompant. »

La-prairie.jpgL’auteur du dernier des Mohicans (pauvres indiens !) ajoute :

« Le grand nombre de journaux en Amérique, c'est qu'il y a si peu de capitaux, et par conséquent si peu d'intelligence, employés à leur gestion. C'est aussi une raison de l'inexactitude d'une grande partie des vues qu'ils font circuler. »

Cerise sur le gâteau :

« Quand le nombre d'estampes est retenu, et l'avidité avec laquelle on les lit est portée au compte, on s'aperçoit que la nation tout entière, au sens moral, respire une atmosphère de mensonges. »

On est vers 1840 tout de même ! O présent permanent…

La presse précipite le déclin des hommes valables et contribue à faire élire n’importe qui (Biden, Truss, Macron, Scholz, etc.) :

« Quiconque a vécu assez longtemps pour constater des changements de ce genre a dû s'apercevoir à quel point les hommes de probité et de vertu perdent leur influence dans le pays, pour être supplantées par ceux qui ne jugent guère une affectation des qualités supérieures nécessaires à leur succès. Ce châtiment craintif doit, dans une grande mesure, être attribué à la corruption de la presse publique, qui, dans son ensemble, doit son existence aux stratagèmes des aventuriers politiques intéressés. »

La presse (les médias et les lobbies qui les tiennent) fait élire son candidat :

« Les éditeurs louent leurs amis personnels et abusent leurs ennemis dans la presse. Et la conséquence est que les lecteurs obtiennent des vues exagérées, et si les journaux sont utiles pour renverser les tyrans, c'est seulement pour établir leur propre tyrannie. La presse tyrannise les hommes publics, les lettres, les arts, les scènes, et même sur la vie privée. »

Gautier (Théophile) précise que la presse éreinte la vie culturelle dans sa préface de Melle de Maupin – écrite à la même époque. Cooper ajoute :

« Sous prétexte de protéger les mœurs publiques, il les corrompt jusqu'à la moelle, et sous le semblant de maintenir la liberté, il établit peu à peu un despotisme aussi impitoyable, aussi cupide et tout aussi vulgaire que celui de n'importe quel état chrétien connu (NDLR : on n’est déjà plus dans des états chrétiens). Avec de fortes professions de liberté d'opinion, il n'y a pas de tolérance ; à parade de patriotisme, point de sacrifice d'intérêts ; et avec des panégyriques complets sur la bienséance, trop souvent, pas de décence. »

La presse en fait instaure le tyran politiquement correct :

« Dans les despotismes, où la faiblesse des corps des nations, est dérivée d'une ignorance de leur force, et de l'absence de moyens d'agir de concert, la presse est le levier par lequel les trônes des tyrans et des préjugés sont le plus facilement renversés, et, sous tels circonstances, les hommes se disputent souvent des privilèges en son nom, qui deviennent dangereux pour la paix de la société, lorsque les droits civils et politiques sont obtenus. »

Sources :

Alexis De Tocqueville - De la démocratie en Amérique

Fenimore Cooper – The American democrat (archive.org)

Charles Baudelaire – préface aux nouvelles d’Edgar Poe

Nicolas Bonnal – Chroniques sur la fin de l’histoire ; Céline

 

mardi, 04 octobre 2022

Edward Bernays et Louis-Ferdinand Céline face au conditionnement moderne

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Edward Bernays et Louis-Ferdinand Céline face au conditionnement moderne

par Nicolas Bonnal

Avant d’étudier Bernays, on rappellera Céline. Apparemment, tout les oppose, mais sur l’essentiel ils sont d’accord : le monde moderne nous conditionne !

« Nous disions qu'au départ, tout article à "standardiser": vedette, écrivain, musicien, politicien, soutien-gorge, cosmétique, purgatif, doit être essentiellement, avant tout, typiquement médiocre. Condition absolue. Pour s'imposer au goût, à l'admiration des foules les plus abruties, des spectateurs, des électeurs les plus mélasseux, des plus stupides avaleurs de sornettes, des plus cons jobardeurs frénétiques du Progrès, l'article à lancer doit être encore plus con, plus méprisable qu'eux tous à la fois. »

Bernays… C’est un des personnages les plus importants de l’histoire moderne, et on ne lui a pas suffisamment rendu hommage ! Il est le premier à avoir théorisé l’ingénierie du consensus et la définition du despotisme éclairé. Reprenons Normand Baillargeon :

Edouard Bernays est un expert en contrôle mental et en conditionnement de masse. C’est un neveu viennois de Freud, et comme son oncle un lecteur de Gustave Le Bon. Il émigre aux États-Unis, sans se préoccuper de ce qui va se passer à Vienne... Journaliste (dont le seul vrai rôle est de créer une opinion, de l’in-former au sens littéral), il travaille avec le président Wilson au Committee on Public Information, au cours de la première Guerre Mondiale. Dans les années Vingt, il applique à la marchandise et à la politique les leçons de la guerre et du conditionnement de masse ; c’est l’époque du spectaculaire diffus, comme dit Debord. A la fin de cette fascinante et marrante décennie, qui voit se conforter la société de consommation, le KKK en Amérique, le fascisme et le bolchévisme en Europe, le surréalisme et le radicalisme en France, qui voit progresser la radio, la presse illustrée et le cinéma, Bernays publie un très bon livre intitulé Propagande (la première congrégation de propagande vient de l’Eglise catholique, créée par Grégoire XV en 1622) où le plus normalement et le plus cyniquement du monde il dévoile ce qu’est la démocratie américaine moderne : un simple système de contrôle des foules à l’aide de moyens perfectionnés et primaires à la fois ; et une oligarchie, une cryptocratie plutôt où le sort de beaucoup d’hommes, pour prendre une formule célèbre, dépend d’un tout petit nombre de technocrates et de faiseurs d’opinion. C’est Bernays qui a imposé la cigarette en public pour les femmes ou le bacon and eggsau petit déjeuner par exemple : dix ans plus tard les hygiénistes nazis, aussi forts que lui en propagande (et pour cause, ils le lisaient) interdisent aux femmes de fumer pour raisons de santé. Au cours de la seconde guerre mondiale il travaille avec une autre cheville ouvrière d’importance, Walter Lippmann. 

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Avec un certain culot Bernays dévoile les arcanes de notre société de consommation. Elle est conduite par une poignée de dominants, de gouvernants invisibles. Rétrospectivement on trouve cette confession un rien provocante et –surtout – imprudente. A moins qu’il ne s’agît à l’époque pour ce fournisseur de services d’épater son innocente clientèle américaine ?

“Oui, des dirigeants invisibles contrôlent les destinées de millions d'êtres humains. Généralement, on ne réalise pas à quel point les déclarations et les actions de ceux qui occupent le devant de la scène leur sont dictées par d'habiles personnages agissant en coulisse.”

Bernays reprend l’image fameuse de Disraeli dans Coningsby: l’homme-manipulateur derrière la scène. C’est l’image du parrain, en fait un politicien, l’homme tireur de ficelles dont l’expert russe Ostrogorski a donné les détails et les recettes dans son classique sur les partis politiques publié en 1898, et qui est pour nous supérieur aux Pareto-Roberto Michels. Nous sommes dans une société technique, dominés par la machine (Cochin a récupéré aussi l’expression d’Ostrogorski) et les tireurs de ficelles, ou wire-pullers (souvenez-vous de l’affiche du Parrain, avec son montreur de marionnettes) ; ces hommes sont plus malins que nous, Bernays en conclut qu’il faut accepter leur pouvoir. La société sera ainsi plus smooth. On traduit ?

Comme je l’ai dit, Bernays écrit simplement et cyniquement. On continue donc:

“Les techniques servant à enrégimenter l'opinion ont été inventées puis développées au fur et à mesure que la civilisation gagnait en complexité et que la nécessité du gouvernement invisible devenait de plus en plus évidente.”

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La complexité suppose des élites techniques, les managers dont parle Burnham dans un autre classique célèbre (l’ère des managers, préfacé en France par Léon Blum en 1946). Il faut enrégimenter l’opinion, comme au cours de la première guerre mondiale, qui n’aura servi qu’à cela : devenir communiste, anticommuniste, nihiliste, consommateur ; comme on sait le nazisme sera autre chose, d’hypermoderne, subtil et fascinant, avec sa conquête spatiale et son techno-charisme – modèle du rock moderne (lisez ma damnation des stars). 

L’ère des masses est aussi très bien décrite – mais pas comprise – par Ortega Y Gasset (il résume tout dans sa phrase célèbre ; « les terrasses des cafés sont pleines de consommateurs »…). Et cette expression, ère des masses, traduit tristement une standardisation des hommes qui acceptent humblement de se soumettre et de devenir inertes (Tocqueville, Ostrogorski, Cochin aussi décrivaient ce phénomène).

“Nous acceptons que nos dirigeants et les organes de presse dont ils se servent pour toucher le grand public nous désignent les questions dites d'intérêt général ; nous acceptons qu'un guide moral, un pasteur, par exemple, ou un essayiste ou simplement une opinion répandue nous prescrivent un code de conduite social standardisé auquel, la plupart du temps, nous nous conformons.” 

Pour Bernays bien sûr on est inerte quand on résiste au système oppressant et progressiste (le social-corporatisme dénoncé dans les années 80 par Minc & co).

La standardisation décrite à cette époque par Sinclair Lewis dans son fameux Babbitt touche tous les détails de la vie quotidienne : Babbitt semble un robot humain plus qu’un chrétien (il fait son Church-shopping à l’américaine d’ailleurs), elle est remarquablement rendue dans le cinéma comique de l’époque, ou tout est mécanique, y compris les gags. Bergson a bien parlé de ce mécanisme plaqué sur du vivant. Il est favorisé par le progrès de la technique :

« Il y a cinquante ans, l'instrument par excellence de la propagande était le rassemblement public. À l'heure actuelle, il n'attire guère qu'une poignée de gens, à moins que le programme ne comporte des attractions extraordinaires. L'automobile incite nos compatriotes à sortir de chez eux, la radio les y retient, les deux ou trois éditions successives des quotidiens leur livrent les nouvelles au bureau, dans le métro, et surtout ils sont las des rassemblements bruyants. »

La capture de l’esprit humain est l’objectif du manipulateur d’opinion, du spécialiste en contrôle mental, cet héritier du magicien d’Oz.

“La société consent à ce que son choix se réduise aux idées et aux objets portés à son attention par la propagande de toute sorte. Un effort immense s'exerce donc en permanence pour capter les esprits en faveur d'une politique, d'un produit ou d'une idée.”

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Concernant la première guerre mondiale, Bernays “révise” simplement l’Histoire en confiant que la croisade des démocraties contre l’Allemagne s’est fondée sur d’habituels clichés et mensonges ! Il a d’autant moins de complexes que c’est lui qui a mis cette propagande au point…

“Parallèlement, les manipulateurs de l'esprit patriotique utilisaient les clichés mentaux et les ressorts classiques de l'émotion pour provoquer des réactions collectives contre les atrocités alléguées, dresser les masses contre la terreur et la tyrannie de l'ennemi. Il était donc tout naturel qu'une fois la guerre terminée, les gens intelligents s'interrogent sur la possibilité d'appliquer une technique similaire aux problèmes du temps de paix.”

On n'a jamais vu un cynisme pareil. Machiavel est un enfant de chœur. La standardisation s’applique bien sûr à la politique. Il ne faut pas là non plus trop compliquer les choses, écrit Bernays. On a trois poudres à lessive pour laver le linge, qui toutes appartiennent à Procter & Gamble (les producteurs de soap séries à la TV) ou à Unilever ; et bien on aura deux ou trois partis politiques, et deux ou trois programmes simplifiés !

Bernays reprend également l’expression demachinede Moïse Ostrogorski (voir notre étude sur ce chercheur russe, qui disséqua et désossa l'enfer politique américain), qui décrit l’impeccable appareil politique d’un gros boss. La machine existe déjà chez le baroque Gracian. Ce qui est intéressant c’est de constater que la mécanique politique – celle qui a intéressé Cochin - vient d’avant la révolution industrielle. Le mot industrie désigne alors l’art du chat botté de Perrault, celui de tromper, d’enchanter – et de tuer ; l’élite des chats bottés de la politique, de la finance et de l’opinion est une élite d’experts se connaissant, souvent cooptés et pratiquant le prosélytisme. Suivons le guide :

“Il n'en est pas moins évident que les minorités intelligentes doivent, en permanence et systématiquement, nous soumettre à leur propagande. Le prosélytisme actif de ces minorités qui conjuguent l'intérêt égoïste avec l'intérêt public est le ressort du progrès et du développement des États-Unis. Seule l'énergie déployée par quelques brillants cerveaux peut amener la population tout entière à prendre connaissance des idées nouvelles et à les appliquer.”

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Comme je l’ai dit, cette élite n’a pas besoin de prendre de gants, pas plus qu’Edouard Bernays. Il célèbre d’ailleurs son joyeux exercice de style ainsi :

“Les techniques servant à enrégimenter l'opinion ont été inventées puis développées au fur et à mesure que la civilisation gagnait en complexité et que la nécessité du gouvernement invisible devenait de plus en plus évidente.”

La démocratie a un gouvernement invisible qui nous impose malgré nous notre politique et nos choix. Si on avait su…

Après la Guerre, Bernays inspire le méphitique Tavistock Institute auquel Daniel Estulin a consacré un excellent et paranoïaque ouvrage récemment.

Mais en le relisant, car cet ouvrage est toujours à relire, je trouve ces lignes définitives sur l'organisation conspirative de la vie politique et de ses partis :

« Le gouvernement invisible a surgi presque du jour au lendemain, sous forme de partis politiques rudimentaires. Depuis, par esprit pratique et pour des raisons de simplicité, nous avons admis que les appareils des partis restreindraient le choix à deux candidats, trois ou quatre au maximum. »

Et cette conspiration était n'est-ce pas très logique, liée à l’esprit pratique et à la simplicité :

« Les électeurs américains se sont cependant vite aperçus que, faute d'organisation et de direction, la dispersion de leurs voix individuelles entre, pourquoi pas, des milliers de candidats ne pouvait que produire la confusion ». 

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Pour le grand Bernays il n'y a de conspiration que logique. La conspiration n'est pas conspirative, elle est indispensable. Sinon tout s'écroule. L'élite qu'il incarne, et qui œuvre d'ailleurs à l’époque de Jack London, ne peut pas ne pas être. Et elle est trop souple et trop liquide pour se culpabiliser. N'œuvre-t-elle pas à la réconciliation franco-allemande après chaque guerre qu'elle a contribué à déclencher, et que la Fed a contribué à financer au-delà des moyens de tous ?

Elle est aussi innocente que l'enfant qui vient de naître.

Un qui aura bien pourfendu Bernays sans le savoir dans ses pamphlets est Louis-Ferdinand Céline. Sur la standardisation par exemple, voici ce qu’il écrit :

« Standardisons! le monde entier! sous le signe du livre traduit! du livre à plat, bien insipide, objectif, descriptif, fièrement, pompeusement robot, radoteur, outrecuidant et nul. »

Et d’ajouter sur un ton incomparable et une méchanceté inégalable :

« le livre pour l'oubli, l'abrutissement, qui lui fait oublier tout ce qu'il est, sa vérité, sa race, ses émotions naturelles, qui lui apprend mieux encore le mépris, la honte de sa propre race, de son fond émotif, le livre pour la trahison, la destruction spirituelle de l'autochtone, l'achèvement en somme de l'œuvre bien amorcée par le film, la radio, les journaux et l'alcoolisme. »

La standardisation (j’écris satan-tardisation…) rime avec la mort (mais n’étions-nous pas morts avant, cher Ferdinand ? Vois Drumont, Toussenel même, ce bon Cochin, ce génial Villiers…). Le monde est mort, et on a pu ainsi le réifier et le commercialiser ;

« Puisque élevés dans les langues mortes ils vont naturellement au langage mort, aux histoires mortes, à plat, aux déroulages des bandelettes de momies, puisqu'ils ont perdu toute couleur, toute saveur, toute vacherie ou ton personnel, racial ou lyrique, aucun besoin de se gêner! Le public prend ce qu'on lui donne. Pourquoi ne pas submerger tout! simplement, dans un suprême effort, dans un coup de suprême culot, tout le marché français, sous un torrent de littérature étrangère? Parfaitement insipide?... »

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Divaguons sur ce thème de la civilisation mortelle – et sortons du Valéry pour une fois. A la même époque Drieu la Rochelle écrivait dans un beau libre préfacé par Halévy, Mesure de la France :

« Il n'y a plus de conservateurs, de libéraux, de radicaux, de socialistes. Il n'y a plus de conservateurs, parce qu'il n'y a plus rien à conserver. Religion, famille, aristocratie, toutes les anciennes incarnations du principe d'autorité, ce n'est que ruine et poudre. »

Puis Drieu enfonce plus durement le clou (avait-il déjà lu Guénon ?) :

« Tous se promènent satisfaits dans cet enfer incroyable, cette illusion énorme, cet univers de camelote qui est le monde moderne où bientôt plus une lueur spirituelle ne pénétrera. »

Le gros shopping planétaire est mis en place par la matrice américaine, qui va achever de liquider la vieille patrie prétentieuse :

« Il n'y a plus de partis dans les classes, plus de classes dans les nations, et demain il n'y aura plus de nations, plus rien qu'une immense chose inconsciente, uniforme et obscure, la civilisation mondiale, de modèle européen. »

Drieu affirme il y a cent ans que le catholicisme romain est zombie :

« Le Vatican est un musée. Nous ne savons plus bâtir de maisons, façonner un siège où nous y asseoir. A quoi bon défendre des banques, des casernes, et les Galeries Lafayette ? »

Enfin, vingt ans avant Heidegger ou Ellul, Drieu désigne la technique et l’industrie comme les vrais conspirateurs :

« Il y aura beaucoup de conférences comme celle de Gênes où les hommes essaieront de se guérir de leur mal commun : le développement pernicieux, satanique, de l'aventure industrielle. »

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Revenons à Céline, qui avec ferveur et ire dépeint la faune nouvelle de l’art pour tous :

« Les grands lupanars d'arts modernes, les immenses clans hollywoodiens, toutes les sous-galères de l'art robot, ne manqueront jamais de ces saltimbanques dépravés... Le recrutement est infini. Le lecteur moyen, l'amateur rafignolesque, le snob cocktailien, le public enfin, la horde abjecte cinéphage, les abrutis-radios, les fanatiques envedettés, cet international prodigieux, glapissant, grouillement de jobards ivrognes et cocus, constitue la base piétinable à travers villes et continents, l'humus magnifique le terreau miraculeux, dans lequel les merdes publicitaires vont resplendir, séduire, ensorceler comme jamais. »

Et de conclure avec son habituelle outrance que l’époque de l’inquisition et des gladiateurs valait bien mieux :

« Jamais domestiques, jamais esclaves ne furent en vérité si totalement, intimement asservis, invertis corps et âmes, d'une façon si dévotieuse, si suppliante. Rome? En comparaison?... Mais un empire du petit bonheur! une Thélème philosophique! Le Moyen Age?... L'Inquisition?... Berquinades! Epoques libres! d'intense débraillé! d'effréné libre arbitre! le duc d'Albe? Pizarro? Cromwell? Des artistes! »

Dans son très bon livre sur Spartacus, l’écrivain juif communiste Howard Fast établit lui aussi un lien prégnant entre la décadence impériale et son Amérique ploutocratique. C’est que l’homme postmoderne et franchouillard a du souci à se faire (ce que Léon Bloy nommait sa capacité bourgeoise à avaler – surtout de la merde) :

« Plus c'est cul et creux, mieux ça porte. Le goût du commun est à ce prix. Le "bon sens" des foules c'est : toujours plus cons. L'esprit banquiste, il se finit à la puce savante, achèvement de l'art réaliste, surréaliste. Tous les partis politiques le savent bien. Ce sont tous des puciers savants. La boutonneuse Mélanie prend son coup de bite comme une reine, si 25.000 haut-parleurs hurlent à travers tous les échos, par-dessus tous les toits, soudain qu'elle est Mélanie l'incomparable... Un minimum d'originalité, mais énormément de réclame et de culot. L'être, l'étron, l'objet en cause de publicité sur lequel va se déverser la propagande massive, doit être avant tout au départ, aussi lisse, aussi insignifiant, aussi nul que possible. La peinture, le battage-publicitaire se répandra sur lui d'autant mieux qu'il sera plus soigneusement dépourvu d'aspérités, de toute originalité, que toutes ses surfaces seront absolument planes. Que rien en lui, au départ, ne peut susciter l'attention et surtout la controverse. » 

Et comme s’il avait lu et digéré Bernays Céline ajoute avec le génie qui caractérise ses incomparables pamphlets :

« La publicité pour bien donner tout son effet magique, ne doit être gênée, retenue, divertie par rien. Elle doit pouvoir affirmer, sacrer, vociférer, mégaphoniser les pires sottises, n'importe quelle himalayesque, décervelante, tonitruante fantasmagorie... à propos d'automobiles, de stars, de brosses à dents, d'écrivains, de chanteuses légères, de ceintures herniaires, sans que personne ne tique... ne s'élève au parterre, la plus minuscule naïve objection. Il faut que le parterre demeure en tout temps parfaitement hypnotisé de connerie. 

Le reste, tout ce qu'il ne peut absorber, pervertir, déglutir, saloper standardiser, doit disparaître. C'est le plus simple. Il le décrète. Les banques exécutent. Pour le monde robot qu'on nous prépare, il suffira de quelques articles, reproductions à l'infini, fades simulacres, cartonnages inoffensifs, romans, voitures, pommes, professeurs, généraux, vedettes, pissotières tendancieuses, le tout standard, avec énormément de tam-tam d'imposture et de snobisme La camelote universelle, en somme, bruyante, juive et infecte... »

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Et de poursuivre sa belle envolée sur la standardisation :

« Le Standard en toutes choses, c'est la panacée. Plus aucune révolte à redouter des individus pré-robotiques, que nous sommes, nos meubles, romans, films, voitures, langage, l'immense majorité des populations modernes sont déjà standardisés. La civilisation moderne c'est la standardisation totale, âmes et corps. »

La violence pour finir :

« Publicité ! Que demande toute la foule moderne ? Elle demande à se mettre à genoux devant l'or et devant la merde !... Elle a le goût du faux, du bidon, de la farcie connerie, comme aucune foule n'eut jamais dans toutes les pires antiquités... Du coup, on la gave, elle en crève... Et plus nulle, plus insignifiante est l'idole choisie au départ, plus elle a de chances de triompher dans le cœur des foules... mieux la publicité s'accroche à sa nullité, pénètre, entraîne toute l'idolâtrie... Ce sont les surfaces les plus lisses qui prennent le mieux la peinture. »

Céline est incomparable quand il s’attaque à la foule, discutable quand il reprend le lemme du juif comme missionnaire du mal dans le monde moderne. Mais c’est cette folie narrative qui crée la tension géniale de son texte. De toute manière, ce n’est pas notre sujet. Et puis c’est Disraeli et c’est Bernays qui ont joué à l’homme invisible un peu trop visible. Comme dit Paul Johnson dans sa fameuse Histoire des Juifs (p. 329): “Thus Disraeli preached the innate superiority of certain races long before the social Darwinists made it fashionable, or Hitler notorious.”

Bibliographie:

Nicolas Bonnal – Littérature et conspiration (Dualpha, Amazon.fr)

Frédéric Bernays/Normand Baillargeon – Propagande

Céline – Bagatelles…

Drieu la Rochelle – Mesure de la France

Johnson (Paul) – A History of the Jews

 

mercredi, 28 septembre 2022

Tolkien et la révolution libertarienne

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Tolkien et la révolution libertarienne

par Nicolas Bonnal

Relisons des extraits libertariens de notre dernier livre sur Tolkien, à l’heure où le Mordor américain devient fou – comme la Commission de Bruxelles, qui va imposer à son peuple d’orcs l’euro numérique, le contrôle social, le rationnement énergétique et le pass sanitaire avant d’en arriver à l’objectif ultime : le dépeuplement du continent (ou de ce qu’il en reste). Comme je l’ai montré dans mon livre Le salut par Tolkien (ou Le dernier Gardien sur Amazon), le bon chrétien Tolkien a été comme Chesterton un écrivain anti-Etat qui a vu la menace arriver non pas en Russie ou en Allemagne (ce serait trop facile) mais dans les mêmes pays anglo-saxons (cf. nos textes sur Hayek et Jouvenel). La dernière opération US aura montré que l’Ennemi triomphe parce qu’il est prêt à faire ce que les autres n’osent pas faire (Usual suspects repris par C. Johnston)

Chapitre sept in extenso (quatre mille mots) :

J'ai toujours eu un faible – Tolkien aussi d'ailleurs – pour le Nettoyage de la Comté, avant-dernier chapitre du Seigneur des Anneaux. Allusion au socialisme, à l'après-guerre, au monde moderne nihiliste et destructeur ? Volonté prosaïque de désigner un ennemi bien précis avec des problèmes bien concrets ? On récite le vieux Gamegie (Gaffer Gamgee, comme dit Tolkien) :

« Le Vieux Gamegie ne paraissait pas avoir pris beaucoup d'âge, mais il était un peu plus sourd.  «Bonsoir, Monsieur Sacquet ! dit-il. Je suis bien heureux vraiment de vous voir revenu sain et sauf. Mais j'ai un petit compte à régler avec vous en quelque sorte, sauf votre respect. Vous n’auriez jamais dû vendre Cul de Sac, je l'ai toujours dit. C'est de ça qu'est parti tout le mal. Et pendant que vous alliez vagabonder dans les pays étrangers, à chasser les Hommes Noirs dans les montagnes, à ce que dit mon Sam et pourquoi, il ne me l'a pas trop expliqué ils sont venus défoncer le Chemin des Trous du Talus et ruiner mes patates (1)! »

Guerre concrète donc avec des objectifs concrets. C'est que de retour de leurs aventures hauturières et spirituelles, les Hobbits redécouvrent leur pays occupé et pillé par une horde de prévaricateurs, de pillards et de « réquisiteurs ». Ils les mettent dehors, sous la haute conduite de Sam et surtout de Merry et de Pippin, les deux Hobbits les plus aguerris par leurs campagnes, les plus transformés aussi par le « breuvage d'immortalité » fourni par Sylvebarbe. Le terme employé par Tolkien pour ce nettoyage est bien celui de « nettoyage à grandes eaux », scouring en anglais. Il s'agit d'une épuration physique d'un territoire violé par la modernité bruyante et travailleuse décrite par Tocqueville en Amérique du Nord (les Hobbits faisant ici office d'indiens). On peut bien sûr voir ici une « allégorie », terme décourageant et déplaisant pour Tolkien (quoique...) : comment les hommes libres et encore courageux peuvent se débarrasser de l'Etat moderne et tentaculaire, du fascisme du nazisme, du communisme, du socialisme, et de tout ce qui s'ensuit. Sans oublier le capitalisme et les aberrations du technologisme dénoncés par d'autres que Tolkien à son époque : de Morris à Mumford en passant par Ellul - ou le très bon Léopold Kohr, inspirateur du film thématique Koyaanisqatsi. Mais on verra que le ras-le-bol vis-à-vis de la « civilisation » est ancien.

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Comme on sait ce n'est pas si facile, et tout le monde a tendance à se soumettre et à s'arbrifier, comme dit Sylvebarbe.

Le nettoyage de la comté est une grande fête de la subversion antigouvernementale ; c'est une révolte anarchiste, de type libertarien. Les grands historiens libertariens américains, sous la conduite de Murray Rothbard, de Ralph Raico, de John V. Denson, de Smedley Butler et de bien d'autres, ont montré que l'Etat américain a progressé en cruauté, en pression fiscale, en législation infernale, en aventurisme militaire depuis surtout Lincoln et la guerre de Cuba. Et que son interventionnisme devenu systématique a eu des conséquences catastrophiques, eschatologiques presque au niveau démographique (remplacement de la population américaine), juridique (abandon de la liberté), économique (assistanat généralisé et endettement), sociétal (fin de la famille, violence folle et prisons pleines) et même écologique (tout a été bousillé). La catastrophe s'est renforcée sous Woodrow Wilson, les deux Roosevelt, et ensuite, pour reprendre l'expression de Michael Levine, tout président s'est vu comme un social engineer, un ingénieur du social (sozial, disait Céline) charge de refaire le monde et son pays, c'est-à-dire de le démolir, de le polluer, de le souiller – sans oublier de le célébrer... Tout cela aboutit à la fronde menée par Donald Trump – avec toutes ses limites (2). Pour bien comprendre cette brillante et pessimiste école d'élite, on peut se référer à trois ouvrages collectifs fondamentaux, qui expliquent ce besoin démiurgique et satanique des élites occidentales modernes de refaire et de détruire le monde (3). C'est que Tolkien appelle l'esprit d'Isengard, en référence à Saroumane dans ses lettres.

9782081375017.jpgLes libertariens américains aiment bien citer La Boétie et son impeccable Discours de la servitude volontaire (consultable partout) écrit lorsque ce jeune et bel esprit insatisfait de son temps avait seize ans à peine. Mais c'est plutôt Montaigne que j'aimerais citer, ce Montaigne si scolaire dont le bons sens et le scepticisme sont parfois un peu lassants, mais qui ici est tout bonnement impeccable : il s'agit du passage sur les cannibales, ces drôles d'oiseaux qui comme les Hobbits n'ont besoin de rien ou presque, proches en cela de notre état originel.

Montaigne évoque Platon et son Atlantide (tiens, tiens...) dans le même texte :

« C’est un peuple, dirais-je à Platon, qui ne connaît aucune sorte de commerce ; qui n’a aucune connaissance des lettres ni aucune science des nombres ; qui ne connaît même pas le terme de magistrat, et qui ignore la hiérarchie ; qui ne fait pas usage de serviteurs, et ne connaît ni la richesse, ni la pauvreté ; qui ignore les contrats, les successions, les partages ; qui n’a d’autre occupation que l’oisiveté, nul respect pour la parenté autre qu’immédiate ; qui ne porte pas de vêtements, n’a pas d’agriculture, ne connaît pas le métal, pas plus que l’usage du vin ou du blé. Les mots eux-mêmes de mensonge, trahison, dissimulation, avarice, envie, médisance, pardon y sont inconnus. Platon trouverait-il la République qu’il a imaginée si éloignée de cette perfection (4) ? »

Et voici justement comment un Tolkien très inspiré présente sa comté, dans sa fameuse et si politique (ou apolitique !) introduction aux monde des Hobbits. Ce texte allait bien sûr inspirer certains hippies et tous les anti-système des années soixante, il allait le faire pour rien montrant finalement que le pessimisme de Tolkien n'était – n'est – pas si infondé que cela.

« La Comté n'avait guère à cette époque de «gouvernement. Les familles géraient pour la plus grande part leurs propres affaires. Faire pousser la nourriture et la consommer occupaient la majeure de leur temps. Pour le reste, ils étaient à l'ordinaire généreux et peu avides, et comme ils se contentaient de peu, les domaines, les fermes, les ateliers et les petits métiers avaient tendance à demeurer les mêmes durant des générations (5). »

On retrouve ici finalement une culture ancienne, assez païenne, fidèle au monde rustique et paysan célébré par les Anciens, notamment de Grèce ou de Rome ; et l'on est loin de Beowulf. Mais Tolkien est un tissu des rêves de l'histoire. Se contenter de peu (méden agan de Solon), la citoyenneté autonome (celui qui se donne à lui-même ses lois) qu'on retrouve aussi dans le romantisme allemand, la sociabilité et la libre transmission de l'héritage, sans que l'Etat vienne tout confisquer ou presque, la sécurité assurée par des milices, tout cela se retrouve dans la culture libertarienne.

Comme on sait un certain Lothon va vouloir développer le capitalisme dans la comté. Et cet enchaînement va amener la catastrophe : même idée pour les silmarils et le serment de Feanor qui amènent la chute du monde des elfes dans le Silmarillion.

Lorsque les Hobbits rentrent donc, on leur présente ainsi le tableau :

« On fait pousser beaucoup de nourriture, mais on ne sait pas au juste où ça passe. Ce sont tous ces "ramasseurs" et "répartiteurs", je pense, qui font des tournées pour compter, mesurer et emporter à l'emmagasinage. Ils font plus de ramassage que de répartition, et on ne revoit plus jamais la plus grande part des provisions (6)»

On pense bien sûr à l'Holodomor en Ukraine, où les équipes de tueurs venaient organiser une famine au nom du socialisme, du peuple et du reste. L'Angleterre de l'après-guerre, socialiste, travailliste et grise, ne sera pas en reste, qui imposera des rationnements dignes de temps de guerre – 80 gr. de beurre hebdomadaire, et dire que Hitler leur proposa dix fois la paix ! - et des taxations à plus de 90% sur les revenus. Ce n'est pas pour rien qu'Orwell publie à cette époque 1984.

La description de la nouvelle comté transformée en commune populaire par Sharcoux et son gang n'est pas triste non plus :

« C'était un endroit nu et laid, avec une toute petite grille qui ne permettait guère un bon feu. Dans les chambres du dessus, il y avait des petites rangées de lits durs, et sur tous les murs figuraient un écriteau et une liste de Règles. Pippin les arracha. Il n'y avait pas de bière, et seulement très peu de nourriture, mais avec ce que les voyageurs apportèrent et partagèrent, tous firent un repas convenable, et Pippin enfreignit la Règle N° 4 en mettant dans le feu la plus grande part de la ration de bois du lendemain. »

On se moque mais en sommes-nous si loin ? On veut interdire le feu de cheminée à Paris ; on est entouré d'interdictions, de panneaux indicateurs et de caméras de surveillance ; on ne cesse de mal ou moins (les régimes ou l'obésité) manger ; on est cernés aussi par des endroits nus et laids. Tout cela, nous nous y sommes habitués, parce que « nous nous habituons à tout » (Dostoïevski), en fait parce que nous devenons des esclaves. On travaille dans tous les pays du monde développé jusqu'au mois de juillet ou de septembre pour l'Etat redistributeur (sic). L'universitaire et penseur libertarien Smedley Butler (ci-dessous) a montré en fait comment ses étudiants écolos, végétariens, censeurs, anti-fumeurs sont plus proches d'Hitler que des pères fondateurs américains .

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Butler écrit dans son anglais limpide et universitaire :

« He is an advocate of government gun-control measures. An ardent opponent of tobacco... This man is a champion of environmental and conservationist programs, and believes in the importance of sending troops into foreign countries in order to maintain order therein (7) .»

Tolkien ajoute sur le thème de la laideur, une laideur liée à novembre, et qui ne doit rien à Halloween (on le précise pour ceux qui croient...) :

« Le pays avait un aspect assez triste et désolé, mais c'était après tout le 1er Novembre et la queue de l'automne. Il semblait toutefois y avoir une quantité inhabituelle de feux, et de la fumée s'élevait en maints points alentour. Un grand nuage de cette fumée montait au loin dans la direction du Bout des Bois (8). »

Tolkien n'oublie pas la fumée des célèbres Dark satanic mills jadis dénoncées par William Blake, et qui ont aussi une signification spirituelle.

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Et Frodon rappelle aux miliciens humiliés par ses compagnons hilares mais menaçants la nécessité de la liberté de mouvement – sans les contrôles scandaleux de nos aéroports :

« A la déconfiture des Shiriffes, Frodon et ses compagnons rirent à gorge déployée. «Ne soyez donc pas absurde ! dit Frodon. Je vais où il me plaît et quand je le veux. Il se trouve que je me rends à Cul de Sac pour affaires, mais si vous tenez à y aller aussi, c'est la vôtre (9).»

Puis le sabotage du paysage apparaît dans toute son erreur. La sensibilité à la laideur est venue avec William Morris ou les préraphaélites mais des esprits plus vifs comme Blake ou Chateaubriand l'avaient saisie avant.

« Ils éprouvèrent le premier choc vraiment pénible. C'était le propre pays de Frodon et de Sam, et ils découvrirent alors qu'ils y étaient plus attachés qu'à aucun autre lieu du monde. Un bon nombre de maisons qu'ils avaient connues manquaient. Certaines semblaient avoir été incendiées. L'agréable rangée d'anciens trous de Hobbits dans le talus du côté nord de l'Étang était abandonnée, et les petits jardins, qui descendaient autrefois, multicolores, jusqu'au bord de l'eau, étaient envahis de mauvaises herbes. Pis encore, il y avait une ligne entière des vilaines maisons neuves tout le long de la Promenade de l'Étang, où la Route de Hobbitebourg suivait la rive. Il y avait autrefois une avenue d'arbres. Ils avaient tous disparu. Et, regardant avec consternation le long de la route en direction de Cul de Sac, ils virent au loin une haute cheminée de brique. Elle déversait une fumée noire dans l'air du soir (10). »

Les voyous prétendent comme les prophètes, les nazis ou les communistes « réveiller » les endormis (il faut les réveiller en fait, mais pour les bonnes raisons – voir infra) :

«Ce pays a besoin d'être réveillé et remis en ordre, dit le bandit, et Sharcoux va le faire, et il sera dur, si vous l'y poussez. Vous avez besoin d'un plus grand Patron. Et vous allez l'avoir avant la fin de l'année, s'il y a encore des difficultés. Et vous apprendrez une ou deux choses, sale petit rat (11). »

Frodon lui se présente comme un restaurateur de la tradition, s'appuyant sur ce qui vient d'être accompli – et qui n'est pas connu dans la comté dominée:

« Votre temps est fini, comme celui de tous les autres bandits. La Tour Sombre est tombée, et il y a un Roi en Gondor. L'Isengard a été détruit, et votre beau maître n'est plus qu'un mendiant dans le désert. J'ai passé près de lui sur la route. Les messagers du Roi vont remonter le Chemin Vert à présent, et non plus les brutes de l'Isengard... Je suis un messager du Roi, dit-il. Vous parlez à l'ami du Roi et une des personnes les plus renommées des pays de l'Ouest. Vous êtes un coquin et un imbécile (12). »

Du même coup on rappelle l'origine du mal :

«Tout a commencé avec La Pustule, comme on l'appelle, dit le Père Chaumine, et ça a commencé aussitôt après votre départ, Monsieur Frodon. Il avait de drôles d'idées, ce La Pustule. II semble qu'il voulait tout posséder en personne, et puis faire marcher les autres. Il se révéla bientôt qu'il en avait déjà plus qu'il n'était bon pour lui, et il était tout le temps à en raccrocher davantage, et c'était un mystère d'où il tirait l'argent: des moulins et des malteries, des auberges, des fermes et des plantations d'herbe. Il avait déjà acheté le moulin de Rouquin avant de venir à Cul de Sac, apparemment. »

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Oui, c'est un mystère en effet d'où l'on tire l'argent. Une banque centrale invisible peut-être ?

Le réveil arrive, mais il va se faire contre les brigands et leur chef naturellement. Tolkien évoque le cor, si important pour Boromir, et qui symbolise, comme dans notre Chanson de Roland, le réveil de notre tradition supérieure.

« Puis il entendit Merry changer de note, et l'appel de cor du Pays de Bouc s'éleva, secouant l'air... Sam entendit derrière lui un tumulte de voix, un grand remue-ménage et des claquements de portes. Devant lui, des lumières jaillirent dans le crépuscule, des chiens aboyèrent, des pas accoururent. Avant qu'il n'eût atteint le bout du chemin, il vit se précipiter vers lui le Père Chaumine avec trois de ses gars, Tom le Jeune, Jolly et Nick. Ils portaient des haches et barraient la route (13). »

On se réveille, on s'arme, on allume des feux, comme pour une fête de la Saint-Jean. C'est la révolution.

« A son retour, Sam trouva tout le village en ébullition. Déjà, en dehors de nombreux garçons plus jeunes, une centaine ou davantage de robustes Hobbits étaient rassemblés, munis de haches, de lourds marteaux, de long couteaux et de solides gourdins, et quelques-uns portaient des arcs de chasse. D'autres encore venaient de fermes écartées.

Des gens du village avaient allumé un grand feu, juste pour animer le tableau, mais aussi parce que c'était une des choses interdites par le Chef. II flambait joyeusement dans la nuit tombante (14). »

Tels des chouans chanceux, tels les héros de Chesterton dans le Napoléon de Notting Hill, les Hobbits vont se pouvoir résister et se battre :

« Mais les Touque arrivèrent avant. Ils firent bientôt leur entrée, au nombre d'une centaine, venant de Bourg de Touque et des Collines Vertes avec Pippin à leur tête. Merry eut alors suffisamment de robuste Hobbiterie pour recevoir les bandits. Des éclaireurs rendirent compte que ceux-ci se tenaient en troupe compacte. Ils savaient que le pays s'était soulevé contre eux, et ils avaient clairement l’intention de réprimer impitoyablement la rébellion, en son centre de Lézeau. Mais, si menaçants qu'ils pussent être, ils semblaient n'avoir parmi eux aucun chef qui s'entendît à la guerre. Ils avançaient sans aucune précaution. Merry établit vite ses plans (15). » 

La révolution libertarienne à la sauce Guillaume Tell porte ses fruits. La restauration va se passer merveilleusement, et donc métamorphoser la contrée (Tolstoï aussi décrit la belle résurrection moscovite après la retraite des Français) :

« Cependant, les travaux de restauration allèrent bon train, et Sam fut très occupé. Les Hobbits peuvent travailler comme des abeilles quand l'humeur et la nécessité les prennent. Il y eut alors des milliers de mains volontaires de tous âges, de petites mais agiles des garçons et filles Hobbits à celles usées et calleuses des anciens et des vieilles. Avant la fin de Décembre, il ne restait plus brique sur brique des nouvelles Maisons des Shiriffes ou de quoi que ce fût de ce qu'avaient édifié les «Hommes de Sharcoux», mais les matériaux servirent à réparer maints vieux trous et à les rendre plus confortables et plus secs (16). »

Et là, miraculeusement, d'une manière digne de la quatrième églogue de Virgile, une résurrection de la terre et des naissnaces survient, un nouvel âge d'or :

« De tout point de vue, 1420 fut dans la Comté une année merveilleuse. Il n'y eut pas seulement un soleil magnifique et une pluie délicieuse aux moments opportuns et en proportion parfaite, mais quelque chose de plus, semblait-il: un air de richesse et de croissance, et un rayonnement de beauté surpassant celui des étés mortels qui vacillent et passent sur cette Terre du Milieu (17). »

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Cette beauté terrestre va se retrouver dans le monde humain.

« Tous les enfants nés ou conçus en cette année, et il y en eut beaucoup, étaient robustes et beaux, et la plupart avaient une riche chevelure dorée, rare auparavant parmi les Hobbits. Il y eut une telle abondance de fruits que les jeunes Hobbits baignaient presque dans les fraises à la crème, et après, ils s'installaient sur les pelouses sous les pruniers et mangeaient jusqu'à élever des monceaux de noyaux semblables à de petites pyramides ou aux crânes entassés par un conquérant, après quoi, ils allaient plus loin. Et personne n'était malade, et tout le monde était heureux, sauf ceux à qui il revenait de tondre l'herbe (18). »

Et puisque nous évoquions Virgile :

« Muses de Sicile, élevons un peu nos chants. Les buissons ne plaisent pas à tous, non plus que les humbles bruyères. Si nous chantons les forêts, que les forêts soient dignes d'un consul. Il s'avance enfin, le dernier âge prédit par la Sibylle : je vois éclore un grand ordre de siècles renaissants. Déjà la vierge Astrée revient sur la terre, et avec elle le règne de Saturne ; déjà descend des cieux une nouvelle race de mortels. Souris, chaste Lucine, à cet enfant naissant ; avec lui d'abord cessera l'âge de fer, et à la face du monde entier s'élèvera l'âge d'or : déjà règne ton Apollon (19). »

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Les conséquences ? La révolution libertarienne des Hobbits a une dimension lumineuse, propitiatoire. Dans son beau livre sur le moyen âge, Jacques Le Goff écrivait :

« Un autre courant tout aussi puissant a entraîné beaucoup d'entre eux vers un autre espoir, vers un autre désir : la réalisation sur terre du bonheur éternel, le retour à l'âge d'or, au paradis perdu. Ce courant, c'est celui du millénarisme, le rêve d'un millenium - d'une période de mille ans (20)... »

Concluons en nous référant aux rares idées politiques exprimées par Tolkien. Rares parce qu'inutiles : Tolkien est contre tout Big Government à la moderne. Carpenter le dit right-wing, d'extrême-droite parce qu'il est monarchiste et catholique. Et si c'était cela être de gauche par les temps qui courent ?

Tolkien ne se disait évidemment pas libertarien ; mais il n'a pas hésité à se déclarer... anarchiste !!! Ou monarchiste non constitutionnel... mais on se doute que la monarchie des Windsor n'est pas la tasse de thé de Tolkien... Il lui faudrait le grand Alfred ou quelque monarque saxon... Il écrit donc à notre cher Christopher qu'il hait l'Etat :

« My political opinions lean more and more to Anarchy (philosophically understood, meaning abolition of control not whiskered men with bombs) – or to 'unconstitutional' Monarchy. I would arrest anybody who uses the word State (21)...»

Toujours au même Christopher, il rappelle son peu de goût pour la démocratie à la grecque ou à la moderne, conçue comme une ochlocratie, un gouvernement de la masse. Il en profite pour tacler l'odieux et désastreux Anthony Eden et rappeler le dégoût inspiré par ce système aux grands penseurs de l'Antiquité :

« Mr Eden in the house the other day expressed pain at the occurrences in Greece 'the home of democracy'. Is he ignorant, or insincere? d?µ???at?a was not in Greek a word of approval but was nearly equivalent to 'mob-rule'; and he neglected to note that Greek Philosophers – and far more is Greece the home of philosophy – did not approve of it. And the great Greek states, esp. Athens at the time of its high an and power, were rather Dictatorships, if they were not military monarchies like Sparta (22)! »

Dans un très beau brouillon, Tolkien répond s'exprime même sur le nettoyage de la comté ! L'anglais est encore ici très simple :

« There is no special reference to England in the 'Shire' – except of course that as an Englishman brought up in an 'almost rural' village of Warwickshire on the edge of the prosperous bourgeoisie of Birmingham. But there is no post-war reference. I am not a 'socialist' in any sense — being averse to 'planning' (as must be plain) most of all because the 'planners', when they acquire power, become so bad (23)... »

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Et sur cet esprit d'Isengard qui détruira tout, Oxford y compris :

« Though the spirit of 'Isengard', if not of Mordor, is of course always cropping up. The present design of destroying Oxford in order to accommodate motor-cars is a case. But our chief adversary is a member of a 'Tory' Government. But you could apply it anywhere in these days (24). »

Et on comprend que peu importe le parti politique ici...

Notes du chapitre VII:

(1) Le retour du roi, Chapitre le nettoyage de la comté

(2) Nicolas Bonnal, Donald Trump candidat du chaos, Dualpha, 2016

(3) Perpetual war for perpetual peace, 1953 ;  The costs of war, 1999 ; reassessing the presidency, 2001. Tout est téléchargeable gratuitement sur le beau site Mises.org

(4) Montaigne, Essais, I, chapitre 30, § 16

(5) La communauté de l'anneau, Chapitre 1, Des Hobbits

(6) Le nettoyage de la comté. III, livre VI, chapitre 8

(7)  Smedley Butler, The wizards of Ozymandia, 2002, § 30

(8) Le nettoyage de la comté. (III, livre VI, chapitre 8)

(9) Le nettoyage de la comté. (III, livre VI, chapitre 8)

(10)  ibid.

(11)  ibid.

(12)  ibid.

(13)  ibid.

(14)  ibid.

(15) ibid.

(16) ibid.

(17) ibid.

(18) ibid.

(19)  Virgiles, Bucoliques, IV, premiers vers.

(20)  Le Goff, la civilisation de l'occident médiéval, Arthaud, p. 163

(21)  Letters of Tolkien, From a letter to Christopher Tolkien 29 November 1943

(22)  Letters of Tolkien, To Christopher Tolkien, 28 December 1944 (FS 71)

(23)  To Michael Straight [drafts], february 1956

(24)  ibid.

lundi, 19 septembre 2022

Fascination américaine et suicide européen

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Fascination américaine et suicide européen

par Nicolas Bonnal

L’Amérique nous hypnotise à volonté, elle nous pousse au suicide et sans forcer son talent : la dette et les usuriers des fonds de pension comme Fink, c’est elle ; le transhumain et le Reset c’est elle et ses milliardaires ; le virus et les vaccins c’est elle (Bourla veut dire « plaisanterie », burla, en espagnol) ; la russophobie et l’extermination nucléaire en Europe, ce sera aussi elle (elle est sûre que jamais la Russie complexée ne s’en prendra à elle directement) ; les nouvelles chasses aux sorcières et le nouveau puritanisme moral, c’est elle ; les privatisations et la déglingue à la Dick, c’est toujours elle. Elle va nous exterminer et nous l’en remercions, et nous la divinisons. Elle fait penser au serpent biblique : elle amène la connaissance, une connaissance vide et creuse, et nous perdons tout au passage. Mais nous sommes contents. Comme le serpent du Livre de la Jungle, elle nous hypnotise avant de nous bouffer l’Amérique.

Je me souviens des années 90 ; il y avait encore des petites résistances en France ; et puis tout a fondu comme neige au sommeil sans qu’on y prenne garde (Chirac a adoubé Lagarde et Sarkozy). Et nous sommes devenus le pays le plus vil, le plus collabo et le plus déglingué avec fin des communistes et 1% maximum de gaullistes (le texte de Milgram est balayé). Nous n’avons pas été punis comme le voulait Condoleeza, nous avons été séduits, conquis, pressés et stressés. Pays d’abrutis prêts à crever pour Leur Maître. Le Parrain a triomphé comme partout en Europe ; mais comme c’est ici qu’on survit…

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Mais d’où vient cette fascination ? Pour le comprendre relisons Jean Baudrillard, pas le Baudrillard antiaméricain de la Fin, mais le Baudrillard tonitruant et talentueux qui dans un beau et long poème, intitulé Amérique, explique pourquoi ce serpent est décidément fascinant.

Quelques rappels ; l’Amérique c’est d’abord le pays conatif, le pays qui donne des ordres et doit être obéi (sinon on est anéanti, Allemagne, Japon, Irak, Lybie, bientôt Chine et Russie, car il ne faut douter de rien, on est avec le pays qui ose toujours tout, comme Keyser Sose) :

« Tout protéger, tout détecter, tout circonscrire – société obsessionnelle. Save time. Save energy. Save money. Save our souls – société phobique. Low tar. Low energy. Low calories. Low sex. Low speed – société anorexique.

Curieusement, dans cet univers où tout est à profusion, il faut tout sauver, tout épargner. »

Cela c’est le programme gastronomique et économique, avec l’obsession médicale (Rockefeller et les vaccins) et écologique qui était là bien avant Biden (Vance Packard en parle déjà). Ce puritanisme économique est aussi mémoriel :

« Tout recenser, tout stocker, tout mémoriser. »

Tout cela c’est l’obsession de la statistique, des maths, de l’informatique, du reste. L’Amérique nous contrôle. Amazon.fr va nous imposer l’euro numérique avec l’UE sous contrôle, et Gates nous a imposé vaccin, confinement et reset, le tout comme à la parade. Voyez notre texte sur Jack London et les milliardaires humanitaires et bienveillants qui ont progressivement détruit la planète et surtout l’humanité (ce qu’ils appellent le tikkun).

amerique-332185-264-432.jpgBaudrillard constate que l’Amérique contrôle tout avec ses images (l’alunissage), son cinéma, ses musiques. Elle domine notre cerveau et notre imaginaire. Aujourd’hui c’est Netflix et le format CNN qui a dévasté et reprogrammé le peu de cerveaux qui restaient (en termes de Milgram je maintiens que nous sommes 1%, pas plus). Nous sommes ses choses et ses prisonniers, comme dans la caverne de Platon (y compris ceux qui comme nous font mine de s’imposer à elle en utilisant ses concepts et même ses outils) ou comme dans l’Invasion des profanateurs de sépulture, tous remplacés psychiquement et tous reprogrammés pour devenir ces légumes dont parla notre génial Siegel à Benayoun un jour.

Ce qu’il faut comprendre c’est que le simulacre c’est la force et la réalité, le simulacre ce n’est pas ce dont il faut se moquer comme font certains vieux distraits. Le simulacre c’est la réalité et nous sommes devenus d’illusoires ombres. Baudrillard cite Baudelaire et son culte moderne des artifices et il ajoute :

« Inutile de chercher à décinématographier le désert pour lui garder une qualité originelle, la surimpression est totale, et elle continue. Le Indiens, les mesas, les canyons, les ciels : le cinéma a tout absorbé. Et pourtant, c’est le spectacle le plus saisissant du monde. Faut-il préférer les déserts « authentiques » et les oasis profondes (p. 69) ? »

Le simulacre américain : voyez ces queues d’affamés à Moscou au début des années 90 pour entrer dans le premier McDonald’s ouvert. La malbouffe c’est l’unique vraie bouffe, pauvre José Bové.

Baudrillard ajoute : « Les États Unis, c’est l’utopie réalisée. »

Et il va même plus loin. Pourquoi elle triomphe dans les âmes l’Amérique (Renan l’avait bien dit dans ses Souvenirs) :

« La conviction idyllique des Américains d’être le centre du monde, la puissance suprême et le modèle absolu n’est pas fausse. »

Elle conquiert même ses ennemis l’Amérique. Le Vietnam bosse pour les actionnaires américains (Gap et les textiles) et il s’arme avec son ancien bourreau (quatre millions de morts ?) pour résister contre la Chine. Peut-on résister à cette pieuvre ? Baudrillard le nie :

« Quoi qu’il arrive, et quoi qu’on pense de l’arrogance du dollar ou des multinationales, c’est cette culture qui fascine mondialement ceux mêmes qui ont à en souffrir, et ce de par cette conviction intime et délirante d’avoir matérialisé tous leurs rêves. »

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L’Amérique matérialise les rêves, c’est la magie hollywoodienne. On voit d’ailleurs que le wokisme s’impose sans coup férir en Europe et surtout en France.

Baudrillard n’oppose pas le capital à la révolution : le capital c’est la révolution, il emporte et ravage tout. En ceci Baudrillard est marxiste : le capital, dit Marx dans le Manifeste, c’est celui qui fait tomber la Grande Muraille. On verra pour la Chine et on se rappellera que pour McCarthy comme pour d’autres conservateurs façon Mullins, Céline, Belloc ou Chesterton, les USA ont créé à la fois l’URSS et la Chine communiste. Ce pays est si puissant qu’il peut créer à volonté ses (faux) opposants. Là il a deux gros morceaux, mais faites-lui confiance.

Donc le capital est plus rapide que nos rebelles (voyez Klein et No Logo) :

« Non seulement l’histoire ne se rattrape pas, mais il semble que l’actualité même du capital, dans cette société « capitaliste », ne se rattrape jamais. Ce n’est pourtant pas faute, chez nous critiques marxistes, de courir après le capital, mais il a toujours une longueur d’avance (p. 79). »

Baudrillard ajoute un élément essentiel : l’Amérique est ontologiquement supérieure. Elle complexe l’Europe et l’Europe bafouée et humiliée s’en veut et veut s’exterminer. Pourquoi est-elle supérieure ? Lisons le Maître :

« L’Amérique, elle, s’est trouvée en position de rupture et de modernité radicale : c’est donc là que la modernité est originale, et nulle part ailleurs. Nous ne pouvons faire que l’imiter, sans pouvoir la défier sur son propre terrain (p. 80)… »

Et d’enfoncer le clou avec l’inévitable (que dis-je, fatidique) Hannah Arendt :

« Cette auto-indulgence non dénuée d’humour témoigne d’une société sûre de sa richesse et de sa puissance, et qui aurait en quelque sorte intériorisé la formule de Hannah Arendt selon laquelle la révolution américaine, au contraire de toutes celles d’Europe, c’est une révolution réussie (p. 86). »

9782859840693-us.jpgCitant un texte anti-américain de Guillaume Faye, Baudrillard établit que tout ce qu’on reproche à l’Amérique se retourne en sa faveur. On dit qu’elle est violente, criminelle, surendettée, obèse, crétine, bolchevique, féministe, raciste, antiraciste, libérale, clochardisée, fasciste, elle s’en fout : elle se nourrit de nos insultes. Ce qui l’insulte la rend plus forte. On dit depuis cinquante ans qu’elle est moribonde, déclinante, décadente, cool, dégénérée, elle s’en fout encore et nous mène à la chambre à gaz. L’Amérique n’est pas décadente, au contraire donc :

« Bien sûr tout cela est une parodie !  Si toutes ces valeurs ne supportent pas d’être parodiées, c’est qu’elles n’ont plus d’importance. Oui, la Californie (et l’Amérique avec elle) est le miroir de notre décadence, mais elle n’est pas décadente du tout, elle est d’une vitalité hyperréelle, elle a tout l’énergie du simulacre. C’est le lieu mondial de l’inauthentique » – bien sûr : c’est ça qui fait son originalité et sa puissance. Cette montée en puissance du simulacre, vous l’éprouvez ici sans effort (p. 101). »

L’Amérique a même gagné la guerre du Vietnam en faisant pleurnicher le public pour ses bidasses : qui a jamais vu un film vietnamien sur cette guerre ? Elle a même imposé son apocalypse à l’Asie, qui s’est ensuite couverte de gratte-ciels, de fastfoods, d’autoroutes, d’aéroports, de centres de recherches, d’ateliers et de camps de vacances – puis de centres de vaccination anti-covid. Elle a même pu se barrer en se marrant de l’Afghanistan (voyez Mozinor).

Croyez-moi, cessons de la sous-estimer.

Nicolas Bonnal

samedi, 17 septembre 2022

Bertrand de Jouvenel et la démocratie totalitaire

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Bertrand de Jouvenel et la démocratie totalitaire

Nicolas Bonnal

Sous les menaces et les souffrances de l'invasion, observe Taine, le peuple a consenti à la conscription: Il la croyait accidentelle et temporaire. Après la victoire et la paix, son gouvernement continue à la réclamer: elle devient permanente et définitive; après les traités de Lunéville et d'Amiens, Napoléon la maintient en France; après les traités de Paris et de Vienne, le gouvernement prussien la maintient en Prusse.

De guerre en guerre, l'institution s'est aggravée: comme une contagion elle s'est propagée d'État en État; à présent elle a gagné toute l'Europe continentale, et elle y règne avec le compagnon naturel qui toujours la précède ou la suit, avec son frère jumeau, avec le suffrage universel, chacun des deux plus ou moins produit au jour et tirant après soi l'autre, plus ou moins incomplet ou déguisé, tous les deux conducteurs ou régulateurs aveugles et formidables de l'histoire future, l'un mettant dans les mains de chaque adulte un bulletin de vote, l'autre mettant sur le dos de chaque adulte un sac de soldat: avec quelles promesses de massacre et de banqueroute pour le 20ème siècle, avec quelle exaspération des rancunes et des défiances internationales, avec quelle déperdition du travail humain, par quelle perversion des découvertes productives, par quel recul vers les formes inférieures et malsaines des vieilles sociétés militantes, par quel pas rétrograde vers les instincts égoïstes et brutaux, vers les sentiments, les moeurs et la morale de la cité antique et de la tribu barbare, nous le savons...

3137-4-MV2L.jpgComme dans les démocraties le peuple paraît faire à peu près ce qu'il veut, on a mis la liberté dans ces sortes de gouvernements, et on a confondu le pouvoir du peuple avec la liberté du peuple.

Cette confusion est le principe du despotisme moderne. On peut, par des institutions sagement combinées, assurer la garantie effective de chaque personne contre le Pouvoir. Mais il n'y a point d'institutions qui permettent de faire concourir chaque personne à l'exercice du Pouvoir, car le Pouvoir est commandement et tous ne peuvent commander. La souveraineté du peuple n'est donc qu'une fiction et c'est une fiction qui ne peut être à la longue que destructive des libertés individuelles.

La volonté royale était connue pour celle du personnage couronné, de son favori, de son ministre: elle était par là humaine et particulière, de plain-pied avec les autres volontés. La volonté du Pouvoir démocratique se dit générale. Elle accable chaque individu sous le poids de la totalité des individus qu'elle représente, et opprime chaque intérêt particulier au nom d'un intérêt général qui s'incarne en elle.

La fiction démocratique prête aux régents l'autorité du Tout. C'est le Tout qui veut, c'est le Tout qui agit.

Soin dont Tocqueville a été l'observateur effrayé: « Les vieux pouvoirs locaux disparaissent sans se rajeunir ou être remplacés par rien, et partout à leur place le gouvernement central prend la direction des affaires. Toute l'Allemagne donnerait plus ou moins le même spectacle, je puis dire tout le continent. Partout on sort de la liberté du Moyen Age, non pour entrer dans la liberté moderne mais pour retourner au despotisme antique, car la centralisation, ce n'est autre chose que l'administration de l'empire romain modernisée.» Lettre à H. de Tocqueville dans OEuvres, t. VII, p. 322-323.

Sieyès :

La France ne doit point être un assemblage de petites nations qui se gouverneraient séparément en démocraties, elle n'est point une collection d'États; elle est un tout unique, composé de parties intégrantes; ces parties ne doivent point avoir séparément une existence complète parce qu'elles ne sont point des touts simplement unis, mais des parties formant un seul tout. Cette différence est grande, elle nous intéresse essentiellement. Tout est perdu si nous nous permettons de considérer les Municipalités qui s'établissent, ou les Districts ou les Provinces, comme autant de républiques unies seulement sous les rapports de force et de protection commune.

9782213003320-G.JPGTout pouvoir fait nécessairement la guerre aux tendances centrifuges. Mais la conduite du Pouvoir démocratique offre des particularités remarquables. Il se présente comme venant libérer l'homme des contraintes que faisait peser sur lui l'ancien Pouvoir, issu plus ou moins directement de la conquête. Pourtant la Convention guillotine les fédéralistes, le Parlement d'Angleterre écrase, sous des répressions qui sont parmi les plus sanglantes de l'Histoire, le séparatisme national irlandais, le Gouvernement de Washington déchaîne une guerre telle que l'Europe n'en avait pas encore vu pour étouffer les tentatives des États du Sud de s'organiser en corps séparé. Faut-il citer encore l'action de la République espagnole en 1934 contre la volonté d'indépendance catalane?

Loin que le peuple soit seul auteur des lois, il ne lui est même pas permis de se prononcer sur les plus générales, qui affectent le plus profondément son existence. Quoiqu'il existe un mode de consultation populaire, le référendum, qui a fait ses preuves en Suisse, le Pouvoir démocratique n'a garde d'y recourir.

Le vocable même d'intérêt particulier est alors devenu et demeuré une manière d'injure, évolution du langage qui reflète, pour peu qu'on y réfléchisse, la perpétuelle mobilisation de l'opinion sociale contre les fractions constituantes de la communauté.

431  L'Autorité n'est plus alors qu'un enjeu, elle perd toute stabilité, toute considération. Le caractère de ceux qui l'exercent va sans cesse s'abaissant jusqu'à ce qu'enfin le Palais du Commandement ait un occupant qui décide de ne point s'en laisser chasser: c'est le tyran.

434   Et le philosophe rangeait parmi les passifs « tous ceux qui pour la conservation de leur existence, leur nourriture ou leur protection, dépendent d'un autre particulier », c'est-à-dire qu'il aurait refusé le droit de vote à tout le personnel salarié d'une usine. Ce n'est pas, chez d'autres penseurs, l'indépendance mais le loisir qui est le critère des droits civiques. Et ici l'on sent l'influence d'Aristote: c'est le loisir de réfléchir aux affaires publiques qui fait le citoyen, point de loisir point de citoyen. On trouve chez Sieyès et même chez Rousseau comme un regret honteux des facilités que l'esclavage antique donnait à l'homme libre pour former une opinion éclairée.

440   L'avilissement de l'électeur et l'abaissement de l'élu ne sont encore qu'accidentels. Ils vont progressivement devenir systématiques. Des syndicats d'intérêts et d'ambitions se formeront qui, regardant l'assemblée comme une simple attributrice du Pouvoir et le peuple comme un simple remplisseur de l'assemblée, s'ingénieront à capter les suffrages pour investir des députés dociles qui rapporteront à leurs maîtres l'enjeu de toute l'opération; le commandement de la Société.

9782702101711-G.JPG441   C'étaient de grands esprits, les Rousseau, les Jefferson. Les techniciens de la machine n'ont pas de si hautes prétentions; mais ils connaissent l'homme réel, qui veut de la chaleur, de la camaraderie, de l'esprit d'équipe, et qui est capable pour son clan de nobles sacrifices. Fondée sur une psychologie empirique, la machine réduit au néant et au ridicule les prétentions de la philosophie politique.

444  Loin d'éveiller la capacité citoyenne chez ceux qui ne la possèdent pas encore, on l'éteint chez ceux qui l'ont acquise.

Pour étouffer la curiosité que peut inspirer un orateur éminent du bord adverse, pour combattre l'envie de s'instruire par la connaissance d'arguments différents, pour anéantir cette gentillesse naturelle qui prédispose l'homme en faveur de son prochain, on fait vibrer la corde du loyalisme. C'est trahison de lire le journal de l'ennemi, de se rendre à ses réunions sinon pour couvrir sa voix et ensuite le réfuter d'après un canevas passe-partout. Car la bataille politique est une véritable guerre. Baudelaire s'étonnait déjà d'y trouver un langage militaire: « L'avantgarde de la démocratie ", « à la pointe du combat républicain ", et autres. Le poète avait raison. On a transformé les électeurs en soldats, en « militants ". C'est que leurs meneurs sont des conquérants du Pouvoir.

445   La machine a commencé d'écarter les intelligences et les caractères. Maintenant ils s'écartent d'eux-mêmes. Le ton et l'allure de l'assemblée vont s'abaissant. Elle perd toute considérationl . La puissance effective quitte d'ailleurs l'assemblée à mesure que les partis gagnent en consistance et en discipline. Si l'un d'eux dispose d'assez de sièges pour dominer l'assemblée, elle n'est plus qu'une chambre d'enregistrement de ses décisions. Dans ces conditions aucun gouvernement n'est possible que celui voulu par le parti, que celui du parti.

448   Ainsi la pratique des partis a fait passer la Souveraineté du Parlement à la Machine victorieuse et les élections ne sont plus qu'un plébiscite par lequel tout un peuple se remet entre les mains d'une équipe.

449   Les citoyens acceptent cette tyrannie et ne la haïssent que trop tard.

425   Mais on remarque que là même où la poussée du Pouvoir ne les dépossède point, les citoyens se déchargent eux-mêmes.

jeudi, 15 septembre 2022

Syndrome du Titanic : Ernst Jünger et la culture de la panique

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Syndrome du Titanic : Ernst Jünger et la culture de la panique

par Nicolas Bonnal

A la fois prophète olympien et descripteur de la débâcle, Jünger prévoit notre anéantissement économique et anthropologique. Dans Soixante-dix s’efface, alors qu’il raconte des petits voyages (Maroc, Canaries) souvent décevants, le maître soudain catastrophé écrit :

« Les autos ruinent les villes ; le séjour devient une « saison en enfer » - les bruits, les gaz d’échappement, les dangers de mort. Quand on ne se fait pas écraser, on dépérit lentement. Même les îles lointaines en sont inondées. Sur les plages, les hôtels poussent comme des champignons, non isolément, mais par chaînes entières. Ils sont identiques, jusqu’à leurs trous de serrure ; leur modèle se trouve quelque part à New York ou à Tokyo. On estime par conséquent que le nombre des voyageurs va constamment croître, et qu’il faut, dans cette perspective, engager de plus en plus de personnel. Dans les îles, l’eau va aussi se raréfier. Fièvre du boom commercial. Qu’arrivera-t-il en cas de restrictions, de crise économique, de guerre ? L’évolution est irréversible. Un hôtel vide se change bientôt en ruine ; d’un garçon de restaurant, on ne refera jamais un berger. Viennent alors des paysages spectraux (p. 534).»

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L’effondrement qui nous arrive dans les années 2020, et qui est autant subi que provoqué via le Reset, devient chez Jünger un syndrome du Titanic. Vingt ans avant, dans son livre le plus important pour les survivalistes, le Traité du rebelle donc, Jünger écrit :

« La peur est l’un des symptômes de notre temps. Elle nous désarme d’autant plus qu’elle succède à une époque de grande liberté individuelle, où la misère même, telle que la décrit Dickens, par exemple, était presque oubliée. »

Jünger évoque justement le Titanic ; on se souvient du succès effarant de ce film répugnant. Il écrit donc :

« Comment ce passage s’est-il produit ? Si l’on voulait nommer l’instant fatal, aucun, sans doute, ne conviendrait mieux que celui où sombra le Titanic. La lumière et l’ombre s’y heurtent brutalement : l’hybris du progrès y rencontre la panique, le suprême confort se brise contre le néant, l’automatisme contre la catastrophe, qui prend l’aspect d’un accident de la circulation. »

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Jules Verne a bien montré que l’automatisme (la civilisation mécanique) croissait avec la peur. Voyez les 500 millions de la Bégum qui montre la montée du péril allemand sur fond de grosse industrialisation. Il y a une grosse promesse, raconte Jünger, mais elle croît avec un grand risque et une grosse trouille :

« Il est de fait que les progrès de l’automatisme et ceux de la peur sont très étroitement liés, en ce que l’homme, pour prix d’allègements techniques, limite sa capacité de décision. Il y gagne toutes sortes de commodités. Mais, en contrepartie, la perte de sa liberté ne peut que s’aggraver. La personne n’est plus dans la société comme un arbre dans la forêt ; elle ressemble au passager d’un navire rapide, qui porte le nom de Titanic, ou encore de Léviathan. Tant que le ciel demeure serein et la vue agréable, il ne remarque guère l’état de moindre liberté dans lequel il est tombé. Au contraire : l’optimisme éclate, la conscience d’une toute-puissance que procure la vitesse. Tout change lorsqu’on signale des îles qui crachent des flammes, ou des icebergs. Alors, ce n’est pas seulement la technique qui passe du confort à d’autres domaines : le manque de liberté se fait sentir, soit que triomphent les pouvoirs élémentaires, soit que des solitaires, ayant gardé leur force, exercent une autorité absolue. »

Jünger a vu le lien entre les mythes grecs et le progrès technique, comme Anouilh, Giraudoux, Domenach, Cocteau et quelques autres pendant et après la Guerre. Le Titanic n’est pas seul en cause. C’est aussi le syndrome du radeau de la méduse, épisode affreux de notre histoire et qui rappelle que la méduse nous transforme en pierres (en cœurs de pierre).

Jünger ajoute :

« Et nous finissons comme des bougies dans un tableau de Bosch :

On pourrait élever une objection : d’autres ères de crainte, de panique, d’Apocalypse ont suivi leur cours, sans que ce caractère d’automatisme vînt les renforcer, leur servir d’accompagnement.

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Laissons ce point : car l’automatisme ne prend ce caractère terrifiant que s’il s’avère être l’une des formes, le style même de la fatalité, dont Jérôme Bosch donnait déjà une représentation incomparable. »

Mais Jünger souligne l’essentiel. Nous crevons de trouille et c’est la marque du monde moderne (la vie aurait dû rester un « risque à courir, pas un problème à résoudre », comme disait un Bernanos écœuré) :

« On constatera que presque tous, hommes ou femmes, sont en proie à une panique telle qu’on n’en avait plus vu dans nos contrées depuis le début du Moyen Age. On les verra se jeter avec une sorte de rage dans leur terreur, en exhiber sans pudeur ni retenue les symptômes. »

Umberto Eco dans un bel essai sur le moyen âge avait parlé du retour impromptu de ces grandes peurs. Flaubert avait déjà souligné dans sa correspondance la trouille liée à un simple épisode météo (voyez mon texte) ; et c’est aujourd’hui sur fond de paniques climatiques que nos élites et gouvernements veulent nous anéantir. On veut alors se cacher (collapsologues, catastrophistes, apocalyptiques, à vos bateaux, à votre or, à vos cavernes !) et Jünger ajoute presque humoristiquement :

« On assiste à des enchères où l’on dispute s’il vaut mieux fuir, se cacher ou recourir au suicide, et l’on voit des esprits qui, gardant encore toute leur liberté, cherchent déjà par quelles méthodes et quelles ruses ils achèteront la faveur de la crapule, quand elle aura pris le pouvoir. »

L’automatisme progresse évidemment avec la panique, et dans le pays qui reste le plus avancé, l’Amérique :

« La culture de panique va s’appesantir, là où l’automatisme gagne sans cesse du terrain et touche à ses formes parfaites, comme en Amérique. Elle y trouve son terrain d’élection ; elle se répand à travers des réseaux dont la promptitude rivalise avec celle de l’éclair. Le seul besoin de prendre les nouvelles plusieurs fois par jour est un signe d’angoisse ; l’imagination s’échauffe, et se paralyse de son accélération même. »

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Jünger va même plus loin en dénonçant l'horreur télévisuelle qui crée péril russe, virus, Reset, dictature et pénurie (voyez mon texte "De Platon à Cnn"):

« Toutes ces antennes des villes géantes ressemblent à des cheveux qui se dressent sur une tête. Elles appellent des contacts démoniaques. »

Nous avons parlé du rôle narcotique de l’info dans un texte ici-même, en citant Platon, Théophraste, Fichte et Thoreau. Reprenons Thoreau :

« À peine un homme fait-il un somme d’une demi-heure après dîner, qu’en s’éveillant il dresse la tête et demande : « Quelles nouvelles ? » comme si le reste de l’humanité s’était tenu en faction près de lui. Il en est qui donnent l’ordre de les réveiller toutes les demi-heures, certes sans autre but ; sur quoi en guise de paiement ils racontent ce qu’ils ont rêvé. Après une nuit de sommeil, les nouvelles sont aussi indispensables que le premier déjeuner.

Dites-moi, je vous prie, qu’importe ce qui a pu encore arriver à quelqu’un, n’importe où sur ce globe ? »

Nous risquons toujours la guerre avec la Chine et la Russie, comme durant la Guerre Froide. Jünger remarque :

« Il est certain que l’Est n’échappe pas à la règle. L’Occident vit dans la peur de l’Est, et l’Est dans la peur de l’Occident. En tous les points du globe, on passe son existence dans l’attente d’horribles agressions. Nombreux sont ceux où la crainte de la guerre civile l’aggrave encore.

La machine politique, dans ses rouages élémentaires, n’est pas le seul objet de cette crainte. Il s’y joint d’innombrables angoisses. Elles provoquent cette incertitude qui met toute son espérance en la personne des médecins, des sauveurs, des thaumaturges. Signe avant-coureur du naufrage, plus lisible que tout danger matériel. »

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Ce naufrage n’est pas très prometteur d’autant que la solution semble impossible : on  combat pour la forme le minotaure au milieu des zombis. Jünger envoie promener le yoga, pourtant recommandé avec la Kabbale dans Sex and the City :

« Mais notre temps exige autre chose que la fondation d’écoles de yoga. Tel est pourtant le but, non seulement de nombreuses sectes, mais d’un certain style de nihilisme chrétien, qui se rend la tâche trop facile. On ne peut se contenter de connaître à l’étage supérieur le vrai et le bon, tandis que dans les caves, on écorche vifs vos frères humains. »

Reconnaissons que nous avons progressé. On les écorche moins vifs, on les bourre vifs et on les sur-informe vifs. Mais passons. Jünger encore pour conclure (si c’est encore possible) :

« Car nous ne sommes pas impliqués dans notre seule débâcle nationale ; nous sommes entraînés dans une catastrophe universelle, où l’on ne peut guère dire, et moins encore prophétiser, quels sont les vrais vainqueurs, et quels sont les vaincus. »

Ici il rejoint Mgr Gaume : pour ce dernier l’Apocalypse aurait lieu quand le monde serait unifié. Comme dira Guy  Debord : « dans un monde unifié on ne peut s’exiler ». Les démons de Davos peuvent alors se rassembler comme à la fin du chant I de Milton et entamer l’œuvre de destruction et de dépeuplement.

Ernst Jünger défendait le recours aux forêts. Comme on sait aussi les montagnes-parcs nationaux sont bourrées de parkings payants et nous venons d’apprendre que dans les Pyrénées, la balade sera payante. On paiera un automate. Mais ne paniquons pas...

Sources:

Jünger – Traité du rebelle, le recours aux forêts – archive.org

https://lecourrierdesstrateges.fr/2022/06/27/de-platon-au...

https://lesakerfrancophone.fr/monseigneur-gaume-et-le-car...

https://www.dedefensa.org/article/flaubert-et-notre-abrut...